« Comment une chose pourrait-elle naître de son contraire ? Par exemple, la vérité de l'erreur ? Ou bien la volonté du vrai de la volonté de l'erreur ? L'acte désintéressé de l'acte égoïste ? Comment la contemplation pure et rayonnante du sage naîtrait-elle de la convoitise ? De telles origines sont impossibles . Les choses de la plus haute valeur doivent avoir une autre origine, une origine qui leur est particulière, - elles ne sauraient être issues de ce monde passager, trompeur, illusoire, de ce labyrinthe d'erreurs et de désirs ! C'est, tout au contraire, dans le sein de l'être, dans l'immuable, dans la divinité occulte, dans la « chose en soi », que doit se trouver leur raison d'être, et nulle part ailleurs ! »
les opposés ont une valeur fondamentale : être/devenir ; temps/éternité ; vrai/faux ; un/multiple ;
Ces opposés ont un statut ontologique radicalement différent et ne peuvent être expliqués les uns par les autres. Ces oppositions suscitent de graves difficultés logiques et morales .
L'opposition métaphysique fondamentale serait alors que ce qui est ne devient pas, ce qui devient n’est pas.
Pourquoi ce qui est de l’ordre du devenir doit-il être rejeté ? Il faut répondre que le devenir nous trompe car nous ne pouvons jamais l'appréhender.
Mais, si nous n'avons rigoureusement aucun accès cognitif à un monde métaphysique, il nous faut expliquer pourquoi on en vient à penser que le désir nous trompe. Sans l'existence de l'être, le monde du devenir ne pourrait avoir toute notre confiance. Les hommes croient toujours à des entités dont pratiquement personne n'a jamais eu l'expérience. Les croyances religieuses et les certitudes métaphysiques doivent donc faire l'objet d'un examen particulier.
Dès lors que la métaphysique est réfutée, apparaît l'idée que nous puissions faire une histoire de la connaissance, ce qui nous conduit à considérer les catégories de nos facultés cognitives comme les résultats d'habitudes grammaticales devenues instinctives. Mais le langage a une origine lointaine et véhicule des préjugés rudimentaires :
« Le langage, de par son origine, remonte au temps de la forme la plus rudimentaire de psychologie : prendre conscience des conditions premières d'une métaphysique du langage, ou, plus clairement, de la raison, c'est pénétrer dans une mentalité grossièrement fétichiste. »
Cette métaphysique du langage exprime essentiellement la croyance en la causalité de la volonté, croyance dont découlent des principes de la raison : l'identité ; le moi, la substance ; l'idée de cause, la causalité ; la finalité.
Cette métaphysique du langage entraîne à l'erreur de l'Être :
« Je crains que nous ne puissions nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire… »
Il faut enfin découvrir l'origine de la possibilité de toute métaphysique, au-delà ou en deçà des interprétations que l'on peut en faire : le point de départ de toutes les erreurs de la métaphysiqueest une croyance :
« À l'origine de tout, l'erreur fatale a été de croire que la volonté est quelque chose qui agit - que la volonté est une faculté »
Cette croyance implique deux choses :
- il y a des actions ; ces actions supposent un acteur ;
- nous croyons trouver en nous un modèle de cette cause (l'agent, le sujet, le moi).
Dès lors, nous projetons les catégories de l'action dans le monde des phénomènes, et croyons que tout événement suppose une substance qui ne se peut réduire aux qualités phénoménales. C'est là l'idée d'une chose en soi.
Cette erreur n'est donc pas seulement induite par le langage, comme les autres erreurs, mais elle a un caractère originellement psychologique dont il faut expliquer pourquoi elle a eu un si grand succès.
Ce succès s'explique si l'on considère que cette erreur dans la connaissance de soi comme cause a été interprétée comme libre arbitre. Ia liberté a été inventée pour rendre les hommes responsables de leurs actes.
L'ensemble des erreurs de la métaphysique a ainsi une origine théologique et morale : l'homme est la cause de ses actes ; son moi est sa substance, son être, d'après lequel il va interpréter le monde des phénomènes en y projetant cette causalité psychologique qui sépare ce qui agit (un sujet, un substrat de ce qui devient) de ses effets. Cette croyance entraîne l'invention de l'unité, de l'identité, de la causalité, etc. toutes ces catégories qui prendront une forme systématique dans la métaphysique.
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