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02/06/2016

Crise mondiale des civilisations

La civilisation se définit par le choix d’une échelle de valeurs, qui peut être plus ou moins complexe, et qui va permettre la structuration de la communauté humaine.
          cette structuration autour des valeurs existe car il y a des hommes, les chefs, qui agissent pour leur promotion. Les chefs d’une civilisation sont ceux qui définissent l’échelle de valeurs de la civilisation ou qui considèrent cette échelle de valeurs comme la leur propre. Ainsi, une civilisation se compose en général de chefs, qui portent les valeurs de la civilisation, d’intéressés, qui tout en ne se reconnaissant par parfaitement dans les valeurs de la civilisation, jugent ces même valeurs utiles pour la réalisation de leurs fins propres, et éventuellement de contestataires qui refusent les valeurs de la civilisation et luttent donc pour l’effondrement ou la transformation radicale de celle-ci.
 Toute civilisation se développe grâce à l’activité des chefs qui maintiennent en vigueur une certaine échelle de valeurs. Nous nommerons cette activité qui consiste à gouverner la société afin de maintenir une échelle de valeurs en vigueur, la politique. Ce gouvernement sert la réalisation de fins. Il s’agit pour le politique de créer les conditions pour faire fructifier les valeurs de la civilisation. Nous nommerons cette activité qui consiste à faire vivre effectivement les valeurs de la civilisation, la culture. La capacité des individus de jouir effectivement de leur liberté consistera en la sphère culturelle. Dés lors, pour réaliser cette fin, il n’est pas exclu que le gouvernement ait recours à la contrainte, qui est l’exact opposé de la liberté. Ainsi, les moyens politiques apparaissent parfois contraires aux valeurs mêmes d’une civilisation car c’est en définitive la culture qui permet à une société de réaliser effectivement les fins qu’elle s’est fixée ; la politique s’attache simplement à créer les conditions pour le développement de la culture.On peut admettre qu’il existe une échelle de valeurs, définie autour de la notion de personne humaine, présente dans tous les grands courants de la pensée humaine et qui constitue le socle de notre civilisation. Il est dès lors possible de faire remonter la civilisation contemporaine au haut moyen âge, c’est-à-dire à la fin de l’Empire et au début de la féodalité.La situation politique féodale est caractérisée par un émiettement du pouvoir. Les hommes vivent alors dans une condition de précarité et d’insécurité extrême. La lente construction des États modernes aura pour conséquence, grâce à la concentration progressive du pouvoir et à l’extension des États, d’accroître la sécurité, de réduire la violence et de permettre le développement du bien être. Cette construction est pourtant le fruit de la violence ; les États s’étant constitués en opprimant des populations et en détruisant des modèles de civilisations.Le XXe siècle semble marquer la fin de ce processus. En effet, le phénomène d’agrégation sur le fondement de l’État national semble atteindre un point paroxysmique. L’expérience des deux conflits mondiaux montre que l’organisation du monde en États souverains puissants et fortement centralisés constitue désormais une menace pour la sécurité et le bien être des individus qui peut s’avérer supérieure aux maux que ces mêmes structures étatique devait éliminer. Si la féodalité se caractérise par une extrême précarité des individus dus à une concentration insuffisante du pouvoir, l’individu contemporain se trouve précarisé et peut voir son existence menacée et son bien être détruit du fait d’une concentration excessive du pouvoir.         Dés lors, il est possible de considérer que notre civilisation est en crise puisque le modèle d’organisation politique de référence, l’État national, apparaît comme le principal danger pour la survie de cette même civilisation. Une civilisation entre en crise soit pour des facteurs exogènes, une invasion, une catastrophe naturelle, soit parce que les chefs, insuffisamment nombreux, doivent consacrer l’essentiel de leur temps à la politique, c’est-à-dire au maintient en vigueur de l’échelle de valeur. La culture, véritable fin d’une civilisation s’appauvrit et finit par disparaître, ou se développe grâce à d’autres groupes : les intéressés ou mêmes les contestataire qui développe une culture totalement alternatives. Ces groupes voudront généralement à terme le pouvoir politique pour mieux assurer la réalisation de leurs valeurs. On assiste alors à un changement de civilisation qui constitue rarement un progrès aux yeux des chefs de l’ancien ordre.Une civilisation en crise se caractérise par un sentiment d’incomplétude ressentis par les individus qui composent la société ; le sens même de l’organisation sociale n’apparaît plus comme naturel puisque la politique est incapable de favoriser l’épanouissement de la culture qui est la fin réelle de la civilisation.La raison principale de la crise de notre civilisation est le fait que les structures politiques ne sont plus adaptées aux objectifs d’émancipation et de libération qui caractérise notre modèle de valeurs. L’organisation du monde en états souverain menace durablement notre sécurité, l’expérience historique ayant prouvé la capacité destructrice du système d’organisation politique national. Le modèle d’organisation politique n’est plus non plus capable, en contrepartie de ce risque, d’assurer le progrès des valeurs de notre civilisation. La liberté qui constitue une des valeurs principales de nos sociétés ne progresse presque plus, et dans de nombreux domaines l’aliénation demeure ou réapparaît. Les chefs concentrent l’essentiel de leur activité à essayer de conserver un pouvoir désormais stérile. La question de l’épanouissement effectif des valeurs et de la réalisation des fins de notre civilisation est progressivement abandonnée. La société apparaît de plus en plus aride, de moins en moins capable de nous satisfaire, de plus en plus fragile…Associée à la formidable capacité destructrice de l’homme moderne, la crise de la civilisation occidentale risque, si elle n’est pas surmontée, de se résoudre par la disparition progressive de l’humanité. Les forces hostiles à la civilisation sont aujourd’hui nombreuses. Elles sont de plus en plus hostiles à l’ensemble des valeurs qui structurent notre civilisation et nécessairement de plus en plus puissantes au fur et à mesure que les valeurs de notre civilisation se déprécient, se figent. Cependant, les chefs, qui devraient garantir que ces valeurs restent en vigueur apparaissent également comme des obstacles à l’accomplissement des fins de la civilisation car ils refusent l’adaptation des structures politiques nécessaires à la poursuite de ces fins.           Ainsi, l’activité des chefs, incapables de faire effectivement vivre les valeurs qu’ils sont censés représenter, discrédite ces mêmes valeurs, qui apparaissent aux yeux de groupes de plus en plus important comme des facteurs d’oppressions.Pourtant, les valeurs de notre civilisation demeurent de formidables ressorts de progrès pour l’humanité. L’émancipation du genre humain n’en est qu’à ces balbutiements. La crise mérite donc d’être surmontée. C’est autour de cette problématique fondamentale pour l’avenir de l’humanité que se structure le combat fédéraliste, pour l’unité européenne et mondiale.Elle s’attache à proposer un modèle politique capable de faire revivre la culture de notre civilisation. Le message fédéraliste est donc très clair : pour continuer à faire vivre les valeurs qui fondent notre vivre ensemble pacifique il faut modifier les structures, c’est-à-dire l’organisation, du pouvoir politique. Cette transformation ne peut pas se faire selon les principes politiques qui ont gouverné la formation des États nations.Pour autant, si le schéma qui a conduit à la formation des États modernes n’est plus concevable pour poursuivre l’unification politique du monde, cette unification demeure la condition fondamentale pour surmonter la crise de civilisation. L’unification doit se poursuivre selon un modèle nouveau, alternatif au système centralisateur qui caractérise l’organisation politique des États modernes.Le processus d’unification doit désormais prendre en compte la nécessaire préservation de la diversité. L’oppression qui a caractérisé la formation des États modernes n’est pas concevable pour permettre la poursuite de l’unification. Il faut donc mettre en place les mécanismes qui permettent la mise en place d’une nouvelle organisation politique. Cette nouvelle méthode d’organiser l’unité est généralement définie comme le fédéralisme.La pensée fédéraliste ne critique pas les valeurs fondamentales qui structurent nos sociétés contemporaines, la liberté, l’émancipation, le progrès du bien être.L’engagement politique fédéraliste est donc le combat pour la création de nouveaux niveaux de pouvoir, l’Europe puis le monde, comme condition nécessaire à la poursuite de l’émancipation humaine. La critique fédéraliste doit ainsi favoriser une prise de conscience générale de la nécessité de poursuivre le chemin de l’unité en promouvant un nouveau système d’organisation du pouvoir.C’est au cœur de ce combat pour la civilisation que se situe la question de l’intégration européenne.Le fédéralisme apparaît ainsi à la fois comme une proposition révolutionnaire, puisqu’il vise à une transformation radicale de l’organisation politique, mais également comme le seul moyen pour assurer la renaissance des valeurs qui ont fondées notre civilisation. La construction européenne est aujourd’hui le principal instrument pour amorcer cette renaissance. une « crise de civilisation ». Où va l’humanité ? Quelle humanité voulons-nous être, ou dans quelle humanité voulons-nous vivre, selon les différentes formules utilisées ? La question cruciale étant de savoir s’il sera plus dur et autoritaire, ou plus égalitaire et démocratique, bien pire qu’aujourd’hui ou meilleur. C’est, au fond, la question qui taraude toutes les sociétés et s’exprime par l’idée, déclinée de mille façons, que « cela ne peut pas durer comme ça ». Mais pour aller où ? Jamais peut-être cette interrogation fondamentale n’a été posée si directement dans l’histoire de l’humanité. C’est que, pour la première fois, le progrès semble aller durablement à reculons, et les générations à venir paraissent condamnées à vivre moins bien que les précédentes. Et cela alors que les avancées des connaissances, qui avaient rythmé le « progrès » au point d’être identifiées à sa cause, deviennent de plus en plus fulgurantes. Paradoxe incompréhensible qui conduit à s’interroger sur le devenir même de l’humanité. Dans sa profondeur radicale, cette interrogation désigne ainsi un véritable enjeu de civilisation qui impose sous peine d’impuissance de savoir « nommer ce que l’on désire ». « Ce qui manque ».Quel enseignement tirer des révolutions arabes ?
Nous avons récemment réalisé que lorsque le système capitaliste mondialisé crée de la richesse, il accroit en même temps les inégalités, que ce soit au sein des nations ou entre les nations (Nord/sud). Voir mon articleen attestant. Ce système n’est pas juste et il n’est pas durable.

De plus il est basé sur l’illusion. Illusion d’un marché parfait dans la transparence de l’information et la parfaite concurrence, l’équilibre des prix entre l’offre et la demande. Or le marché n’est pas parfait comme l’a démontré Joseph Stiglitz : l’accès à l’information n’est pas le même pour tous, certains étant privilégiés, la concurrence est faussée (effet des concentrations et des lobbyings), le prix de marché à un instant t reflète un prix marginal entre une offre et une demande marginale, le prix que les quelques acteurs en excédent de demande seront prêts à payer (le prix s’appliquant alors à tous), d’où les hausses fulgurantes vues cet été sur le pétrole et les matières premières ; de plus le prix de marché est plus basé sur la spéculation de la valeur future que sur la valeur réelle. Ce prix « marginal » s’appliquant à tout le stock, notamment pour la valorisation d’actifs dans les portefeuilles, dans les bilans (« fair value », « mark-to-market »), il donne l’illusion d’une valeur des biens, des entreprises, des banques, par la valeur de marché, qui en fait n’est pas forcément une valeur réelle représentative des biens.

Le résultat est qu’on vient de tomber de haut. La bourse a chuté d’environ 50% depuis le 1er janvier 2008. Ce n’est pas une « destruction de valeur » réelle des actifs de l’économie (la capacité des entreprises à produire n’a pas été modifiée), mais c’est tout comme car c’est la prise de conscience que la valeur de patrimoine de l’économie est deux fois moindre que ce que l’on croyait. Sans doute cette chute est-elle d’ailleurs bien trop forte comparée à une valeur « réelle », car l’effet violent du marché est toujours exagéré et en l’occurrence on surestime sans doute trop les risques tant que la confiance est à ce point entamée.

Illusion, bulle, ... puis désillusion, éclatement de la bulle. Perte potentielle pour les épargnants, les retraites capitalisées, les assurances vies (comparée à ce qu’ils croyaient détenir). Perte brutale pour les banques dans leurs comptes à cause du fameux « mark-to-market », les obligeant à aligner plus de fonds propres pour couvrir ces pertes et faire face au reste de leurs engagements, eux-mêmes devenus plus risqués dans un contexte de récession économique. Pertes induites pour l’Etat et in fine le contribuable (émission de dette d’Etat même si elle est temporaire en attendant des jours meilleurs, afin de renflouer les banques, augmentant ensuite la charge financière de la dette). Pertes induites pour tous lorsque la crise financière devient crise économique (baisse de pouvoir d’achat, chômage) puis crise sociale.
Curieusement, ces débats ont eu lieu fin janvier, en plein développement des révolutions arabes, sans que personne ne se sente réellement en mesure, si tôt, de relier ces événements considérables à la réflexion engagée. Il en fut d’ailleurs de même quelques jours plus tard, au forum social mondial de Dakar, où certains se sont cependant interrogés sur les liens (ou l’absence de liens) entre ces révolutions et le mouvement altermondialiste. Peut-être peut-on, avec un peu de recul, dégager une première leçon fondamentale qui touche au rapport entre transformation sociale et démocratie. Il paraît évident que l’un des ressorts les plus puissants de ces révolutions a été la souffrance sociale causée et par le pillage en règle des ressources de ces pays, et par la confiscation des droits et libertés civils et politiques. Mais l’une (la confiscation des libertés) est la condition de l’autre. C’est cette conscience-là qui a conduit les révolutionnaires à se situer d’abord sur le terrain des libertés et de la démocratie. Et c’est en se donnant un tel objectif politique précis immédiatement réalisable que ces mouvements ont créé une espérance mobilisatrice qui leur a donné leur force.
Plutôt que de penser que ces mouvements s’attaquent à des problèmes que nos sociétés auraient déjà résolus durant les deux derniers siècles, ne faut-il pas considérer que la question des droits, des libertés et des pouvoirs – c’est-à-dire au sens large celle de la démocratie – est toujours, face à la nécessité de profondes transformations sociales, un enjeu clef autour duquel peut se construire une mobilisation politique « réaliste » ? Ce qui revient à dire qu’un projet politique, a fortiori lorsqu’il doit s’adosser à un projet de civilisation, ne peut prospérer ni même sans doute s’élaborer sans que les conditions politiques (au sens des rapports de pouvoirs) soient créées pour qu’il puisse être mis en œuvre. Cette piste de réflexion que nous offrent les révolutions arabes peut s’avérer décisive. Car en politique, il y a un lien direct entre le sentiment d’impuissance et l’impuissance elle-même, comme entre la conscience de sa puissance – corollaire ou consubstantiel de la conscience de classe – et la capacité réelle de transformer l’ordre des choses.
Le « théâtre d’ombres » dont parlait Marcel Gauchet à propos de la scène politique prend alors un autre sens : il n’est plus seulement le produit d’une déliquescence des pouvoirs d’États, mais aussi la condition organisée pour créer le sentiment d’impuissance, et donc l’impuissance réelle des peuples. La priorité est bien alors comme le proposait Maryse Dumas d’identifier les lieux réels de pouvoirs, du local au mondial, dans la sphère politique autant qu’économique, médiatique, culturelle, etc., afin de proposer en tous domaines des transformations concrètes donnant des pouvoirs nouveaux aux salariés, aux citoyens, aux peuples, et partant de faire naître en eux un sentiment de puissance qui deviendra ainsi une puissance réelle. Ainsi apparaît-il que la question de la démocratie, donc des institutions, est centrale : c’est la condition pour que le débat sur un projet de civilisation puisse dépasser les cercles intellectuels ou politiques et se poser au sein de la société elle-même.
 Nous avons récemment réalisé que lorsque le système capitaliste mondialisé crée de la richesse, il accroît en même temps les inégalités, que ce soit au sein des nations ou entre les nations (Nord/sud). Ce système n’est pas juste et il n’est pas durable.
De plus il est basé sur l’illusion. Illusion d’un marché parfait dans la transparence de l’information et la parfaite concurrence, l’équilibre des prix entre l’offre et la demande. Or le marché n’est pas parfait comme l’a démontré Joseph Stiglitz : l’accès à l’information n’est pas le même pour tous, certains étant privilégiés, la concurrence est faussée (effet des concentrations et des lobbyings), le prix de marché à un instant t reflète un prix marginal entre une offre et une demande marginale, le prix que les quelques acteurs en excédent de demande seront prêts à payer (le prix s’appliquant alors à tous), d’où les hausses fulgurantes vues cet été sur le pétrole et les matières premières ; de plus le prix de marché est plus basé sur la spéculation de la valeur future que sur la valeur réelle. Ce prix « marginal » s’appliquant à tout le stock, notamment pour la valorisation d’actifs dans les portefeuilles, dans les bilans (« fair value », « mark-to-market »), il donne l’illusion d’une valeur des biens, des entreprises, des banques, par la valeur de marché, qui en fait n’est pas forcément une valeur réelle représentative des biens.
Le résultat est qu’on vient de tomber de haut. La bourse a chuté d’environ 50% depuis le 1er janvier 2008. Ce n’est pas une « destruction de valeur » réelle des actifs de l’économie (la capacité des entreprises à produire n’a pas été modifiée), mais c’est tout comme car c’est la prise de conscience que la valeur de patrimoine de l’économie est deux fois moindre que ce que l’on croyait. Sans doute cette chute est-elle d’ailleurs bien trop forte comparée à une valeur « réelle », car l’effet violent du marché est toujours exagéré et en l’occurrence on surestime sans doute trop les risques tant que la confiance est à ce point entamée.
Illusion, bulle, ... puis désillusion, éclatement de la bulle. Perte potentielle pour les épargnants, les retraites capitalisées, les assurances vies (comparée à ce qu’ils croyaient détenir). Perte brutale pour les banques dans leurs comptes à cause du fameux « mark-to-market », les obligeant à aligner plus de fonds propres pour couvrir ces pertes et faire face au reste de leurs engagements, eux-mêmes devenus plus risqués dans un contexte de récession économique. Pertes induites pour l’Etat et in fine le contribuable (émission de dette d’Etat même si elle est temporaire en attendant des jours meilleurs, afin de renflouer les banques, augmentant ensuite la charge financière de la dette). Pertes induites pour tous lorsque la crise financière devient crise économique (baisse de pouvoir d’achat, chômage) puis crise sociale.
    Les crises sociales, en définitive, ne sont-elles pas  l’aboutissement d’une crise globale, celle d’une civilisation devenue aveugle à ses propres finalités ? Il a existé de par le passé différentes civilisations. Les plus grandes sont nées ont connu leur apogée et ont finalement disparu ; comme l’observait Hegel, nous marchons sur des ruines. Est-ce notre tour à présent ? Se pourrait-il que nous soyons tout près de notre fin ? Faut-il parler très sérieusement de fin de l'Histoire? Pour notre civilisation,  Le Compte a Rebours a-t-il commencé ? Titre Albert Jacquard. Ou bien la crise actuelle est-elle le signe d'une crise évolutive majeure?
Le moment est venu de transcender nos différences et de retrouver l’unité humaine, (texte) de comprendre la finitude de notre domaine et l’unité des hommes avec la Terre. Dans les termes d’Albert Jacquard : "Il nous faut tenter d'imaginer une autre humanité capable de tenir compte de deux évidences: d'une par la nécessité d'une gestion collective et raisonnable des richesses que la planète nous offre, d'autre part la nécessité de rencontres pacifiques et fécondes avec nos semblables; d'une part l'humanité dialoguant avec la Terre, d'autre part les humains dialoguant entre eux. » 
« Ces vénérables civilisations ont atteint leurs limites; qu'elles n'apportent plus au monde que leurs crispations destructrices; qu'elles sont moralement en faillite, comme le sont d'ailleurs toutes les civilisations particulières qui divisent encore l'humanité; et que le moment est venu de les transcender. Soit nous saurons bâtir en ce siècle une civilisation commune à laquelle chacun puisse s'identifier, soudée par les mêmes valeurs universelles, guidée par une foi puissante en l'aventure humaine, et enrichie de toutes nos diversités culturelles; soit nous sombrons ensemble dans une commune barbarie".
 prendre conscience de l’état de division dans lequel nous vivons. « Si nous sommes vraiment très consciencieux, et l’époque l’exige que nous le soyons, alors nous devons voir très clairement, objectivement, avec détachement, le monde tel qu’il est – divisé, fragmenté avec les nationalismes, les croyances religieuses, les convictions politiques sectaires ou les différentes idéologies, chacune combattant l’autre et s’efforçant de créer une unité tout en se maintenant à l’écart ». Il nous faut explorer en profondeur ce processus dans notre propre esprit. En faire une question, sans vouloir sauter cette étape pour adopter à la va-vite des solutions techniques avec tel ou tel système. Il nous faut voir d’où vient l’état de crise, les ramifications de la pensée de la division, voir son insanité et l’extrême danger qu’il nous fait courir. La perception lucide du danger fait qu’on s’en écarte. Voyant en profondeur ce que produit la division engendrée par l’esprit, la nécessité d’une révolution psychologique dans la conscience humaine devient une évidence. Ce qui bien sûr ne nie pas les initiatives collectives concrètes, mais leur donne une orientation nouvelle. Ce qui est autrement plus radical que la révolution violente au sens habituel du terme. « Nous devons agir collectivement car de grands changements sont nécessaires, mais une révolution psychologique en profondeur est essentielle, non pas une révolution qui consiste à jeter des bombes et à tuer des milliers de personnes au nom de l’ordre, d’une nouvelle société ou de la paix. La nécessité d’une profonde révolution psychologique de cet ordre n’est pas une affirmation dogmatique de l’orateur ; elle est indispensable. L’observation le prouve ».

Qu’est-ce qui est à l’origine de toutes les divisions ? « L’intérêt personnel est à l’origine de tous les processus de division, c’est-à-dire de corruption. Il est la cause de tout conflit». L’intérêt personnel c’est bien sûrmon intérêt limité, au dépends de tout le reste, mais c’est aussi l’intérêt collectif d’une organisation quelconque qui défend son intérêt au mépris de tout le reste. Une fois que nous repérons ce principe, il est facile de voir partout son opération. C’est le culte exclusif de l’intérêt personnel qui est en cause dans l’individualisme de laconsommation de masse, de la gloriole ostentatoire de l’hyper­consommation. C’est lui qui s’exprime dans l’exploitation sans vergogne des ressources de la Terre, dans l’irresponsabilité des dégradations infligées à la vie dans son ensemble. C’est en nourrissant l’intérêt personnel de manière exclusive que l’on fait partout s’accroître les inégalités, tout en restant complètement indifférent au sort de ceux qui sont exclus. C’est lui qui est en cause dans l’avidité du profit sous toutes ses formes, la cupidité des uns et la complaisance teintée d’envie des autres. C’est encore lui qui parle sous le prête-nom de toutes les tentatives de division des religions et des idéologiesDès que l’intérêt personnel domine, il y a un aveuglement à l’égard de ce qui servirait le bien commun : c’est mon intérêt (ou le nôtre) contre votre intérêt (ou le vôtre). Quand il est exacerbé, l’unité, la solidarité humaine est perdue et la corruption est omniprésente ; la crise devient globale parce que la société est devenue malsaine. A la racine des problèmes que l’humanité doit aujourd’hui affronter, il y a un aveuglement psychique, une perception faussée, ce qui veut dire une perte complète de l’unité et du sens de la relation. Dès l’instant où laconscience de l’unité est là, chaleureuse et vivante, la pensée, la parole et l’action entrent au service de la vie. Dès l’instant où le sens de la relation est vivifié, l’amour est présent dans chaque geste et le souci d’aider et de ne pas blesser est spontané. Quand le cœur est  sensible et qu’il demeure en communication avec ce qui est, il s’exprime naturellement dans la compassion. Non pas qu’il faille pour cela donner des règles, imposer une morale, des lois, ou des principes. Le changement de conscience depuis son état divisé, exclusivement centrée sur l’intérêt personnel, vers la conscience d’unité, ouverte de manière plus vaste et impersonnelle, modifie entièrement la perception. Si l’humanité peut encore être sauvée, elle ne pourra l’être que par un changement de conscience qui de lui-même mobilisera le cœur et l’intelligence. Pas l’intellect qui est utilisé d’ordinaire et qui a précipité la crise actuelle. Un intellect calculateur, rusé, coupant, prompt à comparer et à chercher son avantage, prompt à diviser et à opposer est-il réellement intelligent ? Non. Un intellectqui se fourvoie dans la division (texte) est enfermé dans l’ornière de vues bornées, il est incapable d’une vision d’ensemble. L’intelligence véritable relie,  elle ne divise pas,  et le cœur n’est jamais loin de l’intelligence, quand elle est éveillée, car il est dans sa nature de relier. Pour trouver l’énergie et l’intelligence dont nous avons besoin (texte) dans le bourbier actuel, il faut aller au-delà de l’intellect séparateur.
Pour trouver l’énergie et l’intelligence créatrice nécessaire pour répondre aux défis d’une époque aussi troublée que la nôtre, il faut une conscience nouvelle. Unenouvelle conscience pour une nouvelle Terre (texte). Mais pour cela, il faudrait d’abord une étincelle pour que naisse une vraie Passion à la hauteur de la gravité des enjeux. Et c’est bien ce qui manque à une époque qui préfère le plus souvent la tiédeur, la légèreté frivole, l’évasion ludique et la dérision. Nous sommes tellement superficiels et futiles. Nous manquons de lucidité et de sérieux, (texte) alors même que s’il y a bien une urgence, c’est d’ouvrir les yeux et de remettre les pieds sur Terre. Ouvrir les yeux et comprendre ce qui nous arrive. Et pour cela l’éducation a un rôle essentiel. L’éducation et la culture. La citation suivant tirée du livre d’Amin Maalouf n’est pas du tout décorative, elle donne une orientation de ce qui devrait constituer le rôle des intellectuelsaujourd’hui : « Sortir par le haut du dérèglement qui affecte le monde exige d'adopter une échelle de valeur basée sur la primauté de la culture; je dirais même basée sur le salut par la culture… Considérer la culture comme un domaine parmi d'autres.
La planète est soumise à des processus antagoniques de désintégration et d'intégration. En effet, toute l'espèce humaine est réunie sous une "communauté de destin", puisqu'elle partage les mêmes périls écologiques ou économiques, les mêmes dangers provoqués par le fanatisme religieux ou l'arme nucléaire. Cette réalité devrait générer une prise de conscience collective et donc souder, solidariser, hybrider. Or l'inverse domine : on se recroqueville, on se dissocie, le morcellement s'impose au décloisonnement, on s'abrite derrière une identité spécifique - nationale et/ou religieuse. La peur de l'étranger s'impose à l'accueil de l'étranger, l'étranger considéré ici dans ses acceptions les plus larges : il porte le visage de l'immigré, du rom, du maghrébin, du musulman, du réfugié irakien mais aussi englobe tout ce qui donne l'impression, fondée ou fantasmée, de porter atteinte à l'indépendance et à la souveraineté économiques, culturelles ou civilisationnelles. Voilà ce qui "fait" crise planétaire, et même angoisse planétaire puisque cette crise est assortie d'une absence d'espérance dans le futur.
Au début des années 1980, le monde occidental se croyait solidement debout dans la prolongation des mythiques "Trente Glorieuses" et solidement convaincu de bâtir une société ascendante ; de leur côté, l'Union soviétique et la Chine annonçaient un horizon radieux. Bref, chacun ou presque pouvait avoir foi dans l'avenir. Cette foi a volé en éclats, y compris dans les pays dits du "tiers monde", et a laissé place à l'incertitude, à la peur, et à la désespérance.
Comment qualifiez-vous ce moment de l'histoire, dans l'histoire que vous avez traversée ?
Cette absence d'espérance et de perspective, cette difficulté de nourrir foi dans l'avenir, sont récentes. Même durant la Seconde Guerre mondiale, sous l'occupation et sous le joug de la terreur nazie, nous demeurions portés par une immense espérance. Nous tous - et pas seulement les communistes dans le prisme d'une "merveilleuse" Union soviétique appelée à unir le peuple - étions persuadés qu'un monde nouveau, qu'une société meilleure allaient émerger. L'horreur était le quotidien, mais l'espoir dominait imperturbablement ; et cette situation a priori paradoxale caractérisait auparavant chaque époque tragique. Soixante-dix ans plus tard, l'avenir est devenu incertain, angoissant.
Horreur - espoir, paix - repli : ce qui, dans l'histoire contemporaine, distingue les ferments de ces deux situations, c'est l'irruption du fait religieux, et particulièrement d'un islamisme qui ébranle bien au-delà des frontières des pays musulmans...
Les reflux nationaux-religieux ont pour premier point de cristallisation la révolution iranienne de 1979, et l'instauration, inédite, d'une autorité politique religieuse et radicale. Elle intervient après plusieurs décennies de profonds bouleversements dans le monde musulman : à la colonisation ottomane pendant des siècles succède la colonisation occidentale à laquelle succède une décolonisation souvent violente à laquelle succède l'instauration de dictatures à laquelle succède le souffle d'espérance du Printemps arabe auquel succède l'irruption de forces contraires et souvent donc la désillusion, auxquelles à ce jour ont succédé le chaos géopolitique et la propagation de l'idéologie barbare de Daech...
Tout retour à la religion n'est bien sûr pas synonyme de fracas, et souvent se fait de manière pacifiée. Mais on ne peut pas omettre la réalité des autres formes, agressives et violentes, qui ont germé dans le bouillon de culture afghan et ont prospéré dans un terreau où toutes les parties prenantes ont leur part de responsabilité ; la seconde guerre en Irak, l'intervention en Libye, l'inaction en Syrie, le bourbier israélo-palestinien mais aussi, sous le diktat américain, la propagation d'une vision manichéenne du monde opposant empires du bien et du mal, ont participé à la fracturation du monde musulman et à la radicalisation de certaines de ses franges. Le comportement des grandes nations du monde a contribué activement à "l'émergence" d'Al Qaeda hier et de l'État islamique aujourd'hui, à faire de la Syrie un terrain de guerres, d'alliances de circonstances, de coalitions invraisemblables, d'intérêts contraires, d'exactions, et de prolifération islamiste inextricable. Ce brasier dissémine ses flammèches bien au-delà de ses frontières, et ses répercussions ne se limitent pas à la rupture diplomatique entre l'Arabie Saoudite et l'Iran ou à la flambée du schisme entre chiites et sunnites.
Cette absence d'espérance individuelle et collective dans l'avenir a-t-elle pour germe, dans le monde occidental, l'endoctrinement marchand, capitaliste, consumériste et ultra technologique ?
Deux types de barbarie coexistent et parfois se combattent. Le premier est cette barbarie de masse aujourd'hui de Daech, hier du nazisme, du stalinisme ou du maoïsme. Cette barbarie, récurrente dans l'histoire, renaît à chaque conflit, et chaque conflit la fait renaître. On s'en offusque en 2016 en découvrant les images ou les témoignages dans l'État islamique, mais les millions de morts des camps nazis, des goulags soviétiques, de la révolution culturelle chinoise comme du génocide perpétré par les Khmers rouges rappellent, s'il en était besoin, que l'abomination barbare n'est pas propre au XXIe siècle ni à l'Islam ! Ce qui distingue la première des quatre autres qui l'ont précédée dans l'histoire, c'est simplement la racine du fanatisme religieux.
Le second type de barbarie, de plus en plus hégémonique dans la civilisation contemporaine, est celui du calcul et du chiffre. Non seulement tout est calcul et chiffre (profit, bénéfices, PIB, croissance, chômage, sondages...), non seulement même les volets humains de la société sont calcul et chiffre, mais désormais tout ce qui est économie est circonscrit au calcul et au chiffre. Au point que tous les maux de la société semblent avoir pour origine l'économique, comme c'est la conviction du ministre de l'Économie Emmanuel Macron. Cette vision unilatérale et réductrice favorise la tyrannie du profit, de la spéculation internationale, de la concurrence sauvage. Au nom de la compétitivité, tous les coups sont permis et même encouragés ou exigés, jusqu'à instaurer des organisations du travail déshumanisantes comme en atteste le phénomène exponentiel de burn out. Déshumanisantes mais aussi contre efficientes à l'heure où la rentabilité des entreprises est davantage conditionnée à la qualité de l'immatériel (coopération, prise d'initiatives, sens de la responsabilité, créativité, hybridation des services et des métiers, intégration, management etc.) qu'à la quantité du matériel (ratios financiers, fonds propres, cours de bourse, etc.). Ainsi la compétitivité est sa propre ennemie. Cette situation est liée au refus d'aborder les réalités du monde, de la société, et de l'individu dans leur complexité.
"Tous les maux de la société semblent avoir pour origine l'économique, comme c'est la conviction du ministre de l'Économie Emmanuel Macron. Cette vision unilatérale et réductrice favorise la tyrannie du profit, de la spéculation internationale, de la concurrence sauvage."
Une grande part de votre travail de sociologue et de philosophe a justement porté sur l'exploration de la complexité, sur l'imbrication des différents domaines de la pensée complexe mise en lumière dans votre "œuvre" référence, La Méthode. Le terme de complexité est considéré dans son assertion "complexus", qui signifie "ce qui est tissé ensemble" dans un entrelacement transdisciplinaire. À quels ressorts attribuez-vous ce rejet, contemporain, de ce qui est et fait complexité ?
La connaissance est aveugle quand elle est réduite à sa seule dimension quantitative, et quand l'économie comme l'entreprise sont envisagées dans une appréhension compartimentée. Or les cloisonnements imperméables les uns aux autres se sont imposés. La logique dominante étant utilitariste et court-termiste, on ne se ressource plus dans l'exploration de domaines, d'activités, de spécialités, de manières de penser autres que les siens, parce qu'a priori ils ne servent pas directement et immédiatement l'accomplissement de nos tâches alors qu'ils pourraient l'enrichir.
La culture n'est pas un luxe, elle nous permet de contextualiser au-delà du sillon qui devient ornière. L'obligation d'être ultraperformant techniquement dans sa discipline a pour effet le repli sur cette discipline, la paupérisation des connaissances, et une inculture grandissante. On croit que la seule connaissance "valable" est celle de sa discipline, on pense que la notion de complexité, synonyme d'interactions et de rétroactions, n'est que bavardage. Faut-il s'étonner alors de la situation humaine et civilisationnelle de la planète ? Refuser les lucidités de la complexité, c'est s'exposer à la cécité face à la réalité. Ce qui précéda et favorisa la Seconde Guerre mondiale n'était-il pas une succession d'aveuglements somnambuliques ? Et au nom de quoi faudrait-il penser qu'en 2016 les décideurs politiques sont pourvus de pouvoirs extralucides et protégés de ces mêmes aveuglements ?
La barbarie prospère quand la mémoire de la barbarie s'efface. Or en occident, l'empreinte de l'indicible le plus indicible : la Shoah, qui dans les consciences constitua une digue, même poreuse, à la reproduction de la barbarie, s'estompe au fur et à mesure que les témoins disparaissent. Redoutez-vous les conséquences de cette évaporation "physique" de l'histoire ? L'Homme est-il victime d'une confiance disproportionnée en son humanité et en l'humanité collective à ne pas reproduire demain l'abomination d'hier ?
L'extermination des juifs dans les camps de concentration nazis n'a pas empêché une partie du monde juif en Israël de coloniser et de domestiquer la population palestinienne. Que leurs ascendants voire eux-mêmes aient subi les plus épouvantables atrocités pendant la Seconde Guerre mondiale a-t-il immunisé les agents du Mossad ou les officiers de l'armée israélienne à commander ou à perpétrer des atrocités ? Non. Qu'on fait les communistes lorsqu'ils ont occupé l'Allemagne de l'est et libéré le camp de Buchenwald, dans lequel dès 1933 avaient été incarcérés et anéantis notamment des... communistes ? Ils y ont parqué les supposés ou avérés anti-communistes ! Et dès le 8 mai 1945, les Français, eux-mêmes victimes de la barbarie nazie, n'ont-ils pas conduit le massacre de Sétif, Guelma et Kherrata, au cours duquel plusieurs milliers d'anti-colonialistes et d'indépendantistes algériens furent exterminés ? Pourtant ces victimes avaient pour revendication strictement la même que celle des Français à l'égard du pouvoir allemand : liberté, paix et émancipation. "Dans l'opprimé d'hier il y a l'oppresseur de demain", considérait fort justement Victor Hugo.
La mémoire est, en réalité, toujours à sens unique et ne constitue nullement un rempart à la reproduction du mal. Le seul véritable antidote à la tentation barbare, qu'elle soit individuelle et collective, a pour nom humanisme. Ce principe fondamental doit être enraciné en soi, chevillé au fond de soi, car grâce à lui on reconnaît la qualité humaine chez autrui quel qu'il soit, on reconnaît tout autre comme être humain. Sans cette reconnaissance d'autrui chère à Hegel, sans ce sens de l'autre que Montaigne a si bien exprimé en affirmant "voir en tout homme un compatriote", nous sommes tous de potentiels barbares.
"L'extermination des juifs dans les camps de concentration nazis n'a pas empêché une partie du monde juif en Israël de coloniser et de domestiquer la population palestinienne." (Ici, Benjamin Netanyahu)
La France est en état d'urgence. Ce qui instille de lourdes interrogations sur l'articulation des libertés individuelles avec la nécessité de combattre le péril terroriste. Erri de Luca considère que "déléguer la sécurité à l'État, c'est réduire ses propres responsabilités". Et le romancier italien d'inviter chacun à "s'emparer de la problématique, et pour cela d'être responsable de ce qui se passe à côté de lui. Lançons l'alerte au niveau zéro de la société, dans un mouvement populaire et de fraternité." L'enjeu de la sécurité peut-il constituer une opportunité de démocratie et même de fraternité ?
Pour l'heure, absolument rien ne permet de croire en son exaucement. Les expériences passées apprennent beaucoup. Y compris lorsqu'elles ont pour théâtre d'autres pays. À ce titre, les lois "Prevent" déployées en Grande-Bretagne après les terribles attentats de 2005 à Londres ont-elles porté leurs fruits ? Elles poursuivaient un double dessein : d'une part favoriser l'intégration des musulmans, nombreux sur le territoire, en leur affectant notamment des lieux cultuels et culturels, d'autre part mieux repérer les extrémistes potentiellement promis à se radicaliser dans la peau de terroristes. C'est-à-dire qu'il s'agissait d'identifier plus facilement de possibles ennemis au sein d'une communauté qu'on cherchait à mieux intégrer... Cette stratégie schizophrénique était vouée à l'échec. Résultat, non seulement la sécurité n'y a pas gagné, mais en plus, le sentiment d'intégration des musulmans s'est détourné de sa cible originelle : la nation britannique, pour embrasser celle de l'islam.
L'histoire contemporaine des factions armées et terroristes - IRA en Grande-Bretagne, ETA en Espagne, Brigades rouges en Italie - qui ont perpétré des atrocités dans les démocraties, montre que la répression policière et les dispositifs législatifs contraignant les libertés ont leurs limites. Rien ne peut faire pare-feu infranchissable. À ce titre, penser que les actuelles mesures d'urgence en France accroissent la sécurité est un leurre ; elles diffusent au sein de la population un « sentiment psychologique » de sécurité, mais cette perception n'est pas synonyme de sécurité véritable. Et de plus, si elles tombent en de « mauvaises » mains, ces mesures peuvent être détournées de leur vocation, autoriser le pire arbitraire et se retourner drastiquement contre l'intérêt même de la nation. Les imagine-t-on dans le cadre d'une victoire du FN au scrutin présidentiel ?
Tout comme l'humanisme forme la plus efficace des murailles contre la barbarie, cultiver fraternité et unité au sein de la population certes ne permet pas de repérer les terroristes mais tonifie le principe d'identité partagée, consolide la vitalité démocratique, et donc peut participer à dissuader les radicaux de franchir le pas vers le terrorisme.
L'intégration de "l'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France" au projet de loi constitutionnelle forme une importante fracture dans le substrat idéologique de la gauche française, et cristallise une opportunité supplémentaire de rupture. Cette dramaturgie est-elle fondée ? Le Chef de l'État et son Premier ministre renient-ils les "valeurs" de gauche ou les adaptent-ils aux singulières injonctions du contexte terroriste ?
La "valeur" de cette déchéance de nationalité est purement symbolique, nullement concrète. Et sa portée mythologique est infructueuse. Faire croire que déchoir de la nationalité française des kamikazes déterminés à mourir au nom du djihad va les dissuader de passer à l'acte est un non sens. Cette proposition administrative et juridique a pour seule véritable vocation de constituer une excommunication, elle est à ce titre une sorte d'équivalent laïc de l'excommunication dans la religion catholique ou du Herem dans le judaïsme. "Être déchu" signifie que l'on n'est plus rien, que l'on n'existe plus aux yeux de sa nation, et je peux comprendre ceux qui l'associent à une offense aux valeurs de la République. La dimension symbolique, forte, n'est pas sans rappeler, par ailleurs, de sombres souvenirs. Du régime nazi aux services de Mussolini en passant par le gouvernement de Vichy, les procédures de déchéance furent pléthoriques, et elles demeurent l'apanage des régimes politiques autoritaires.
Dans leur ouvrage Jésus selon Mahomet (Seuil), Gérard Mordillat et Jérôme Prieur évoquent la difficulté de décortiquer les énigmes du Coran, d'interpréter les textes à l'aune des critères occidentaux de compréhension. Comme s'y emploient les courants salafistes et wahhabites, le Coran s'expose à des considérations incompatibles avec la République, et même, comme l'a démontré la folie des terroristes, totalement hostiles lorsqu'il devient levier d'endoctrinement et de désagrégation de "l'être sujet de la société". La communauté musulmane a manifesté avec force son rejet de l'horreur des attentats du 13 novembre, mais la même s'était montrée sensiblement plus discrète au moment de condamner l'assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo. Pourtant, sur l'échelle des valeurs de la République, il ne doit pas exister d'approche différenciante des deux événements. L'islam, notamment au sein d'une jeunesse qui y trouve un substitut à son malaise social et citoyen, est-il bien naturellement soluble dans la nation, la laïcité et la démocratie françaises ?
L'histoire apporte la meilleure réponse. Pendant des siècles et dans toute l'Europe, qu'a donc démontré l'Église catholique ? Son incompatibilité avec la démocratie française et la laïcité. Il faudra attendre le début du XXe siècle, c'est-à-dire "hier" sur l'échelle du christianisme, pour qu'Église, démocratie et laïcité commencent de coexister, à l'issue d'une succession séculaire de luttes armées, philosophiques, politiques, artistiques ou sociales qui ont fait progresser les esprits. Renaissance, Lumières, romantisme... toutes ces étapes furent nécessaires pour que le pouvoir de l'Église quitte le périmètre politique et se concentre sur la sphère privée, dite « des âmes ». Et c'est seulement une fois que l'écueil monarchique fut définitivement écarté que l'Église catholique devint entièrement soluble dans la démocratie. Alors pourquoi doit-on exiger de l'islam d'accomplir en quelques années voire instantanément la même trajectoire que l'Église mit des siècles à réaliser ?
D'autre part, l'occident chrétien est légitimement effondré devant la destruction des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan ou des vestiges de Palmyre en Syrie, il est légitimement opposé à la stratégie armée de conquête de territoires et légitimement écoeuré par les massacres perpétrés par  les islamistes ; mais a-t-on oublié la manière dont, au cours des siècles, les chrétiens persécutèrent les païens, brulèrent leurs représentations artistiques, portèrent les sanglantes croisades, évangélisèrent les terres musulmanes ? L'inquisition fut-elle un modèle d'humanité ?
Certes, tout comme dans la Bible, le Coran recèle des textes d'une infinie beauté mais parfois aussi d'une grande violence, notamment à l'endroit de l'infidèle et de l'impie. Mais l'islam est en premier lieu une religion judéo-chrétienne, proche davantage du judaïsme que de la chrétienté - ses interdits et ceux du judaïsme sont très proches -, et qui partage un même socle avec les deux autres religions monothéistes ; Abraham, Moïse, Jésus sont communs aux textes, et seul le prophète Mahomet singularise véritablement le Coran. Un minaret ne ressemble-t-il pas à un clocher ? Bref, le tronc commun aux trois grandes religions est substantiel. Et l'enjeu prioritaire pour lever les derniers écueils à la totale « solubilité » de l'islam dans la démocratie et la République françaises, c'est d'enseigner la nature judéo-chrétienne de l'islam. Voilà un devoir pédagogique fondamental.
Comment tout Homme croyant doit-il hiérarchiser ses attributs dès lors qu'il doit être admis que les règles publiques de la République qui font commun et société s'imposent à celles, privées, de la foi, c'est-à-dire à l'expression de la conscience spirituelle ? À quelles conditions, finalement, "identité musulmane" et "identité française" sont-elles compatibles ?
Le "décrié" Tariq Ramadan - avec qui Edgar Morin a publié Au péril des idées, Presses du Chatelet, NDLR - y est lui-même favorable : il est l'heure d'organiser et de promouvoir un islam occidental européen, qui sera le théâtre de reconnaissances fondamentales. Reconnaissance du statut des femmes, de l'égalité hommes-femmes, des lois de la République, du monopole de l'État dans l'éducation publique - cohabitant avec des systèmes d'éducation privée -, des non croyants et libres penseurs, des mariages mixtes... L'ensemble de ces leviers est déterminant pour amener chaque musulman à adopter les règles de la République et à prendre conscience qu'elles ne constituent aucunement une entrave à l'exercice de sa foi.
La France est un pays multi-ethnique et multi-religieux. La religion juive - aujourd'hui encore interprétée par les ultra-orthodoxes en Israël dans une radicalité qui juge la seule fréquentation d'un goy impure et immonde - s'est convertie avec succès aux lois de la République. Absolument rien ne permet de considérer que l'islam ne peut pas y parvenir. Encore faut-il s'extraire d'un tourbillon qui entremêle rejets et stigmatisations réciproques, et d'un cercle vicieux par la faute duquel les phobies (islamophobie, occidentalophobie, judéophobie) se nourrissent, s'entretiennent, s'exacerbent mutuellement. Elles composent un seul et même poison qui intoxique toute la nation.
Autre poison : le Front National. 6 800 000 électeurs lors du dernier scrutin régional, des cadres désormais de bon niveau, des diagnostics qui peuvent sonner juste au-delà des cercles habituels, une crise familiale interne finalement maîtrisée, un éventail de motivations parmi les électeurs qui a dépassé celui, historique, de la seule xénophobie. Chômage, déracinement, dilution des repères, déshérence sociale, offre éducationnelle déliquescente, inégalités croissantes, discrédit des "élites", cités gangrénées par l'insécurité : une partie de ces électeurs fonde son vote sur des considérations davantage économiques, financières, sociales que "seulement" ethniques. Le front républicain, artificiel, face à un FN dédiabolisé, a semblé vivre ses ultimes heures ; de moins en moins audible au sein des partis traditionnels et chez les électeurs, il constitue même un crédit supplémentaire à la stratégie victimaire et complotiste du FN. Enfin, les scores records qu'il a enregistrés lors des Régionales dans les communes qu'il administre depuis 2014 (53,73 % au Pontet, 48,01 % à Béziers, 53,27 % à Fréjus), confèrent au FN d'être bel et bien l'un des composants d'un paysage politique désormais tripolaire. L'enracinement est idéologique, géographique, politique. Quel diagnostic sur l'état même de la France cette réalité produit-elle ?
La popularité du Front National cristallise une double régression : celle de la France républicaine, et celle du peuple de gauche. La France républicaine avait vaincu en 1900 la France aristocratique et monarchique, mais le gouvernement de Vichy montra que cette France républicaine post-Dreyfus n'avait que partiellement jugulé l'autre France. Lorsque j'étais enfant ou adolescent, l'ennemi n'était pas l'arabe mais bien le juif, et cela même les grands hebdomadaires nationaux s'en faisaient les porte-paroles, colportant les pires calomnies. Cette deuxième France xénophobe a toujours existé, mais compromise par la collaboration elle s'est recroquevillée. Nous assistons au lent et méthodique retour d'un Vichysme rampant qui n'a pas besoin d'occupation allemande pour innerver les consciences. Le dépérissement du peuple républicain et du peuple de gauche en même temps que les angoisses du présent expliquent cette résurgence.
Et cette cause a pour origine la disparition progressive des structures qui maillaient le territoire, couvraient les différentes populations, et diffusaient l'esprit et les règles de la République, les principes de la démocratie et de la laïcité, les valeurs de liberté, d'égalité, d'humanisme, de fraternité : les instituteurs dans un monde rural longtemps majoritaire, les enseignants dans le secondaire, les cellules locales des partis socialiste et communiste dans leurs écoles de cadres et dans les syndicats. Cette structuration des valeurs républicaines - qui, par capillarité, assurait sa perpétuelle régénérescence -, s'est lézardée puis s'est effondrée. Résultat, dans une nation dépourvue d'idéaux et d'espérance, cette seconde France de la xénophobie, du repli, de la peur, redevient majoritaire. Pire, elle parvient à contaminer ceux-là mêmes qui, il y a encore peu, portaient un intérêt empathique au monde.
Le Front National clame haut et fort assumer la loi républicaine et la laïcité, et à ce titre est totalement éligible au rang de parti républicain. Reste un mystère : quelle Présidente de la République Marine Le Pen ferait-elle ? Autoritaire dans la lignée de la Hongrie de Victor Orban, déterminée à quitter le pluralisme démocratique et à adopter une organisation fascisante ? En d'autres termes, ce qui distingue la menace fondée de la menace improbable d'une victoire électorale constitue une énigme. Mais une énigme que sa popularité enracinée et la faiblesse des contrepoids idéologiques et démocratiques rendent extrêmement inquiétante. Nous saurons qui elle est si elle est élue, mais il sera peut-être trop tard.
Le vote Front National est la manifestation d'une exaspération multiforme, qui contamine jusqu'aux strates les plus éduquées de la société - près de 20 % des chefs d'entreprise l'ont rallié. Signifie-t-elle que la France est allée au bout de ce qu'elle peut proposer et accepter en matière d'assistance, d'accueil, et d'impôt - qui constitue le socle même de la société ? Trois contributeurs majeurs à "l'humanité" du "vivre ensemble"...
La psychose anti-migrants est ubuesque. Peu nombreux sont les fugitifs de Syrie ou d'Irak candidats à s'installer en France, et c'est traditionnellement dans les localités les moins exposées à l'immigration que sévissent les plus virulents sentiments xénophobes. Là encore ne succombons pas à la logique quantitative. La réussite de l'intégration n'est pas une question de chiffres mais de conditions d'accueil : contexte économique, dispositifs sociaux et éducationnels, "atmosphère" politique, prédispositions psychosociologiques de la population autochtone à plutôt s'ouvrir ou se fermer, etc. L'Allemagne, nonobstant les graves débordements sexistes, à ce jour encore non élucidés, du réveillon du jour de l'an à Cologne et dans quelques autres villes, pâtit-elle d'héberger un million et demi de réfugiés politiques ? Non, et cela parce que ses habitants comme sa classe politique font preuve d'ouverture.
Le système français de naturalisation, en vigueur depuis le début du XXe siècle, a bien fonctionné. Et l'histoire des vagues massives d'immigration livre deux enseignements universels : deux générations sont nécessaires avant une pleine intégration - même lorsque les immigrés sont de religion catholique, comme en témoignent les violences subies par les Italiens débarqués à Marseille dans les années 1900 -, et le test de ladite intégration est le mariage mixte. Alors certes ces règles s'appliquent plus difficilement avec les populations originaires du Maghreb. Cela tient au passé colonial, au passif de la guerre d'Algérie, au traitement équivoque des pays occidentaux à l'égard des régimes arabes ou du conflit israélo-palestinien, à certains particularismes religieux, au zèle de la police à l'endroit des jeunes contrôlés au faciès... Tout cela contribue à entretenir un climat de rejet, mais aussi de repli et de fermeture sur soi. Il en est pourtant qui en dépit de ces obstacles, percent le plafond et occupent des postes de haute responsabilité politique, artistique ou économique. Ils sont l'exemple qu'en dépit du grave dépérissement du socle républicain d'intégration et du délitement des creusets de liberté, d'égalité et de fraternité, l'intégration reste possible.
La retranscription des conversations du joueur de football Karim Benzema - dans l'affaire pénale l'opposant à son coéquipier Mathieu Valbuéna -, dont il était presque impossible de comprendre le sens et d'interpréter la signification, est symptomatique d'un mal profond, ainsi résumé par l'avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti : la nation manque d'un langage commun et de codes de conduite communs. Dans ce domaine aussi, le système éducatif a-t-il gravement failli ? Est-il réactionnaire d'appeler dans le sillage d'Alain Finkielkraut à restaurer avec exigence des bases de vie commune : civisme, lecture, histoire, etc. ?
Le système éducatif est devenu tout à fait inadéquat, et cela pour l'ensemble des jeunes quels que soient leur origine ethnique, leur milieu social ou leur parcours de vie. Tout simplement parce qu'il ne traite pas des problèmes fondamentaux que chacun est appelé à affronter au cours de son existence. Enseigner à vivre - c'est aussi le titre d'un de ses ouvrages, paru chez Actes Sud en 2014, NDLR -, comme y exhortait Jean-Jacques Rousseau, c'est en effet explorer les voies de l'épanouissement, de l'autonomie intellectuelle, émotionnelle et décisionnelle, c'est apprendre à vivre solidairement, à faire face aux problèmes vitaux de l'erreur, de l'illusion, de la partialité, de l'incompréhension d'autrui et de soi-même, c'est apprendre à affronter les incertitudes du destin humain, à connaître les pièges de la connaissance, in fine à faire face aux problèmes du "vivre". Tout cela à l'ère d'internet et dans une civilisation où nous sommes si souvent désarmés voire instrumentalisés.
Nombre de sujets absolument fondamentaux sont absents de l'enseignement. Par ailleurs, les manuels d'histoire doivent impérativement s'enrichir d'une information minutieuse sur une histoire de France qui dépeint les capétiens et au cours des siècles a intégré des peuples hétérogènes en les "provincialisant" et en les francisant. Insister sur la manière dont des nations, des peuples, des cultures, des langues, des religions a priori si éloignés les uns des autres se sont peu à peu agglomérés et composent aujourd'hui une nation polyculturelle est essentiel. La France n'est pas « que » empire conquérant et colonisateur ; elle est surtout elle-même le fruit d'une mosaïque de cultures, et ce qui était "valable" avec l'hybridation avant-hier des peuples breton, basque, alsacien, hier des Italiens, Polonais ou Portugais, l'est pleinement aujourd'hui avec les Marocains, Algériens, Cambodgiens ou Turcs.
Enfin, et tout aussi capitaux doivent être d'une part la réhabilitation de la culture des humanités, menacée par la culture techno-économique, d'autre part son décloisonnement et son maillage avec la culture scientifique. Faire se confronter, dialoguer, construire ensemble et de manière transdisciplinaire ces différentes expressions de la connaissance est fondamental, y compris pour favoriser, là encore, la culture de l'ouverture au détriment de celle, grandissante, de la fermeture. Ce qui signifie aussi que toutes les formes de la culture doivent être promues. Les disciplines classiques ne doivent pas obstruer celles modernes et contemporaines. Mon attachement viscéral à l'œuvre de Montaigne, Pascal, Rousseau ou Dostoïevski ne m'empêche pas d'être émerveillé par celle de Fritz Lang ou d'Akira Kurosawa. Les vertus de la complexité, c'est, dans ce domaine aussi, embrasser plutôt qu'élaguer, c'est mettre en perspective plutôt que compartimenter.
Le Front National a "capturé" et dévoyé une valeur clé de la nation - abandonnée par la gauche en dépit des tentatives d'Arnaud Montebourg dans le champ économique - : le patriotisme. Patriotisme dont se sent exclue une frange de la population qui n'a pas d'histoire commune avec la France et donc peut difficilement envisager avec elle un avenir commun. La célèbre image des drapeaux algériens brandis par de jeunes Français dans les travées du Stade de France a fait mal. Comment réveiller le sentiment (com)patriote sans qu'il dérape dans les travers nationalistes ?
Jean Jaurès conciliait patriotisme et internationalisme. Aujourd'hui il faut associer ces deux termes qui sont antagonistes pour la pensée non complexe : patriotisme et cosmopolitisme signifiant "citoyen du monde". La communauté de destin pour tous les humains, créée par la mondialisation, doit générer un nouveau lien civique de responsabilité, par exemple à l'état de la biosphère qui dépend de nous et dont nous dépendons. En 1993, j'ai même écrit un livre, Terre Patrie (Seuil), plus actuel que jamais. Mais cela n'exclut pas nos autres patries, dont nos "petites" patries, locales et provinciales, et surtout la nation qui, elle, est une communauté de destin aux profondes racines historiques, et pour qui le mot patriotisme indique le ciment affectif qui nous lie à elle, car il est à la fois maternel (mère-patrie) et paternel (autorité de l'État). Ce patriotisme doit d'ailleurs être revitalisé par opposition à une mondialisation essentiellement techno-économique, anonyme, sans âme - alors que nous devons nous sentir liés à la matrie terrestre dont nous sommes issus. Comme la mondialisation techno-économique crée dans notre nation comme dans d'autres des déserts humains et économiques, nous devons sauvegarder nos intérêts nationaux vitaux.
Notre nation porte en elle deux messages qu'ont toujours transformé en français des ressortissants de peuples progressivement provincialisés et francisés au cours des siècles d'histoire, puis ensuite issus d'émigration : celui d'intégration de la diversité ethnique puis religieuse dans une grande unité supérieure, qui se nourrit de cette diversité sans la détruire. Autrement dit reconnaître que la France est en fait multiculturelle, c'est donner aux enfants d'immigrés la possibilité de se sentir français. D'autre part, 1789 a introduit dans le code génétique une originalité : être français n'est pas subir un déterminisme, c'est vouloir être français. Les délégations à la fête du 14 juillet 1790 disaient : "Nous voulons faire partie de la grande nation". Au 19e siècle, Fustel de Coulanges et Renan considéraient que la France était un être d'esprit, non de sang ; ainsi, en dépit de leur culture germanique, les Alsaciens voulaient être français et se sentaient français d'esprit. Plus nous sommes menacés par des forces anonymes et anonymisantes, qui tendent à disloquer ou à dissoudre les communautés et les solidarités, plus nous devons travailler à sauver lesdites communautés et solidarités. Le nationalisme clos s'oppose à tout ce qui peut nous solidariser avec nos voisins européens et avec les autres peuples de la planète. Notre patriotisme est en même temps humaniste. Si cela était enseigné dans les écoles, les élèves constateraient que l'histoire de France n'est pas principalement conquêtes et colonisation, elle est aussi et surtout intégration du divers, communauté profonde, et, comme l'ont clamé tous les grands de Montaigne à Hugo et Jaurès, elle est amour de l'humanité.
Le succès du Front National illustre un autre phénomène : dans un contexte de mondialisation, de disparition des frontières, de "planétarisation" instantanée (via les réseaux sociaux, les nouvelles technologies, les facilités de transports, la mobilité sous toutes ses formes) mais aussi, consubstantiellement, de précarisation, d'inégalités, de dogme marchand, et d'effacement d'un certain nombre de repères (notamment lié au délitement des religions), les citoyens semblent aspirer à recouvrer un périmètre d'existence visible, délimité, compréhensible, de proximité à la fois géographique mais aussi identitaire, culturel, religieux. Bref, le retour à une nation et à une société "homogènes" et "rassurantes"... A-t-on ouvert le monde et celui de chaque citoyen de manière trop hâtive ou désordonnée ?
À partir du début des années 1990 a pris forme l'unification techno-économique du globe. Internet, téléphone mobile, disparition administrative des frontières, dématérialisation tous azimuts, canaux financiers instantanés et planétaires, propagation du capitalisme de la Chine à la Russie, de l'Amérique latine à l'Afrique : contrairement aux idées reçues, ce phénomène d'universalisation a favorisé la rétraction, la "refermeture", et même la dislocation - idéologique, religieuse, politique, culturelle - dans de nombreuses parties du globe.
N'est-il pas curieux que concomitamment à cette mondialisation multiforme surviennent la désagrégation de la Yougoslavie, la scission de la Tchécoslovaquie, des stratégies séparatistes dans chaque continent ou presque ? L'éclatement de l'empire soviétique ne résulte-t-il pas lui-même de ce nouveau diktat ? L'erreur commise - et qu'Edgar Morin a diagnostiquée et auscultée dans La Voie, Fayard, 2011, NDLR - fut de ne pas chercher à unir les deux impératifs contraires : mondialiser et démondialiser. Mondialiser pour favoriser toutes les communications propices à la compréhension et à la prospérité entre les peuples, et démondialiser afin de sauvegarder territoires, nations et zones appelées à devenir ces déserts humains ou économiques. Réfléchir à combiner croissance et décroissance, développement et enveloppement, est un impératif. Encore un exemple de cette "pensée complexe" à laquelle est préférée la confortable "pensée binaire".
Bien sûr, la France ne constitue pas un ilot isolé au sein d'une Europe qui serait, dans l'idéal, massivement progressiste. La popularité des formations populistes, xénophobes, anti-européennes, gangrène tous azimuts. La Hongrie n'est plus seule, comme en témoigne "l'audace" du Parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczynski attelé en Pologne à étrangler les libertés des médias et à vassaliser le Tribunal constitutionnel. L'Union européenne, honnie d'une grande partie des Français comme l'a révélé le dernier scrutin ad hoc de 2014, a été pendant cinquante ans le rempart au fascisme. En devient-elle peu à peu un nouveau terreau ?
C'est une triste vérité. L'Europe a échoué dans sa mission. Et en premier lieu en laissant l'hyperfinanciarisation, les mécanismes spéculatifs et les intérêts des multinationales pourrir le système économique. Cette dégradation au départ purement économique a ensuite contaminé les champs social, culturel et bien sûr politique. L'Europe aurait pu aider à exorciser les peurs des citoyens ; or la plupart de ceux qui souffrent et s'angoissent la rendent responsable d'affaiblir les souverainetés, de vulnérabiliser les indépendances nationales, d'être une passoire pour l'immigration. Alors la suspicion puis la peur puis la haine de l'étranger, devenu menace et ennemi, ont parasité les consciences. Il nous reste à intégrer notre patriotisme dans celui de la Terre-Patrie.
Même des démocraties que l'on croyait prémunies sont gagnées par les doctrines d'extrême droite. C'est le cas de la Grande-Bretagne et, au-delà du continent anglo-saxon incarné par les États-Unis. Les Républicains s'apprêtent à désigner leur représentant aux élections présidentielles. Dans l'histoire récente du pays, des postures ultramoralistes, ultradicales en matière de mœurs, ou ultrabelliqueuses ont concouru. Mais jamais un candidat ouvertement raciste comme Donald Trump n'avait à ce point rallié les suffrages tels que les intentions de vote le prédisent. Que cette terre d'immigration et de liberté y succombe est lourd d'interprétations...
Les États-Unis sont une terre de grandes surprises électorales et de revirements stupéfiants. Capable de désigner Barack Obama mais aussi un Georges W. Bush qui, s'il n'est pas ouvertement raciste comme Donald Trump, a mené une guerre en Irak qui a provoqué une catastrophe humaine, géopolitique, financière, et civilisationnelle d'une ampleur planétaire et aux répercussions toujours désastreuses. De cette Amérique nous pouvons attendre le meilleur et le pire. Que Donald Trump caracole en tête des sondages républicains est un signe supplémentaire que le pays et, au-delà, l'ensemble du monde, traversent une ère d'incroyables incertitudes face auxquelles les citoyens sont déboussolés, désarmés, dépourvus du substrat idéologique adéquat.
Donald Trump et Marine Le Pen ont en commun, aux yeux de leurs électeurs, d'exercer un "parler vrai" assimilé à un "parler libre". Comment peut-on parler vrai et parler utile et juste, comment peut-on parler vrai sans parler sale (démagogie, populisme, stigmatisation) ?
Les partisans de Donald Trump et de Marine Le Pen pensent qu'ils disent la vérité. Laissons-leur cette impression, et concentrons-nous sur le véritable antidote : convaincre les professionnels de la politique d'abandonner une langue de bois qui ne correspond absolument plus aux réalités contemporaines du langage et aux attentes des citoyens. Ceux-ci aspirent à écouter des messages accessibles et simples, authentiques et responsabilisants. Dénoncer le "populisme" (mot étrange) ou vitupérer le proto-fascisme du FN ne sert nullement à lui barrer la route ; ce qu'il faut, c'est changer de route et montrer celle d'une autre et nouvelle voie.
"La popularité de Donald Trump démontre que les Etats-Unis et l'ensemble du monde traversent une ère d'incroyable incertitudes face auxquelles les citoyens sont déboussolés et désarmés."
Hygiénisme, aseptisation, conformisme, uniformisation, politiquement correct, contraction des libertés : la France est frappée d'une hypermoralisation exacerbée par la classe politique et dont se repaît la rhétorique du Front National. N'est-ce pas d'avoir délibérément tu, esquivé ou instrumentalisé des réalités sociales, économiques, ethniques, religieuses, éducationnelles, qui a vidé la Gauche de sa substantifique moelle et l'a disqualifiée ? Etre "de" ou "d'une" gauche en 2016 a-t-il encore une signification ?
La "gauche" n'est bien sûr pas une entité unique, comme le démontrent les rudes combats que "les" gauches se sont menés dans l'histoire du XXe siècle. Du Parti communiste au Parti socialiste, des mouvements "de gauche" ont progressivement dépéri, et à ce délitement idéologique et politique aucune autre force ne s'est substituée. Après l'Etat providence et l'Etat social-démocrate accomplis en Allemagne et en France au cours des décennies post-Seconde guerre mondiale, il y a eu conversion au néo-libéralisme. Dorénavant, la société est traversée par un besoin : celui d'une pensée qui affronte les temps présent et futur. C'est ce qu'il s'agit d'élaborer.
Qu'est-ce qu'être de gauche ? A mes yeux, c'est se ressourcer dans une multiple racine : libertaire (épanouir l'individu), socialiste (amélioration de la société), communiste (communauté et fraternité), et désormais écologique afin de nouer une relation nouvelle à la nature. Etre de gauche c'est, également, rechercher l'épanouissement de l'individu, et être conscient que l'on n'est qu'une infime parcelle d'un gigantesque continuum qui a pour nom humanité. L'humanité est une aventure, et "être de gauche" invite à prendre part à cette aventure inouïe avec humilité, considération, bienveillance, exigence, créativité, altruisme et justice. Etre de gauche, c'est aussi avoir le sens de l'humiliation et l'horreur de la cruauté, ce qui permet la compréhension de toutes les formes de misère, y compris sociales et morales. Etre de gauche comporte toujours la capacité d'éprouver toute humiliation comme une horreur.
Le système politique français constitue l'une des causes majeures de la popularité du Front National, qui tire profit de ce que le sociologue Michel Wieviorka nomme "la congélation et la décomposition simultanées" des formations traditionnelles. L'exercice politique est anachronique, désynchronisé des nouvelles réalités sociétales et des attentes citoyennes de la population. La démocratie est profondément malade. "Nous ne sommes peut-être pas encore entrés dans son hiver, mais il se peut bien que nous approchions déjà de son automne", redoute le politologue Pascal Perrineau. Est-il encore possible et temps de la revitaliser ? Comment peut-on faire vivre la démocratie indépendamment des scrutins électoraux qui concentrent l'essentiel de l'expression démocratique des Français ?
La régénération politique ne peut s'effectuer que par des processus infra politiques et supra politiques. Ces processus naissent de façons multiples dans la société civile. Partout, des formations convivialistes assainissant et "réhumanisant" les rapports humains, irriguent le territoire, revivifient responsabilités individuelles et démocratie collective : l'économie sociale et solidaire représente désormais près de 10 % de l'économie, les structures coopératives se développent et font la preuve de leur efficacité - en Amérique latine par exemple, de formidables initiatives permettent de lutter contre la délinquance infantile et l'illettrisme - ; la philosophie agro-écologique de Pierre Rabhi réhabilite la bonne, la saine, la juste nourriture en opposition à l'exploitation hyper industrialisée, hypermondialisée et destructrice autant des sols, des goûts que de la santé.
Une nouvelle conscience de consommateur a surgi, elle combat en faveur des circuits courts et directs, de la production de proximité. Bref, au sein de la société civile, il existe un foisonnement d'actions, très dispersées, qui participent à réinventer la démocratie et sur lesquelles il faut s'appuyer. Prenons pour seul exemple l'agriculture écologique et raisonnée ; un jour, ce qu'elle aura réussi à enraciner dans les consciences des consommateurs sera si fort que le ministre de l'Agriculture pourra s'émanciper des chaînes qui le ligotent au lobby des multinationales et des grandes surfaces, et en faire une priorité de son programme.
"La philosophie agro-écologique de Pierre Rabhi réhabilite la bonne, la saine, la juste nourriture."
Il est d'ailleurs faux de considérer que la jeunesse, éduquée ou non, est dépolitisée. Comme en témoignent le succès du service civique, ses aventures entrepreneuriales, ses engagements dans le bénévolat, sa contribution à la dynamique associative, elle est en quête de fraternité, elle cherche à concrétiser autrement sa volonté politique, c'est-à-dire à être différemment actrice de la société, productrice de lien, génératrice de sens et d'utilité. Cette jeunesse est prête à ébranler le système, aujourd'hui fossilisé, de la démocratie représentative...
L'adolescence est le moment ou s'élève l'aspiration à vivre en s'épanouissant personnellement au sein d'une communauté. Mais cette aspiration peut être trompée. Elle a été trompée par le maoïsme, elle peut l'être par le FN. Les forces d'espoir sont là. Bien sûr, tout cela est vulnérable et ces raisons d'espérer peuvent être détruites par un regel brutal. Il n'empêche, elles existent bel et bien.
"Etre sujet", c'est-à-dire s'affranchir, s'autonomiser, se réaliser, est-il une réalité ou une chimère ? A quelles conditions la démocratie peut-elle permettre "d'être sujet" et de" faire commun" ?
Nous sommes là au cœur du... sujet. Réforme personnelle et réforme sociétale - c'est-à-dire politique, sociale, économique - s'entendent de concert, elles doivent être menées de front et se nourrissent réciproquement. Les signaux sont faibles et disséminés, mais ils existent, et c'est sur eux que l'espoir doit être fondé.
Une lumière est apparue dans ce sombre hiver : la COP21 a accouché d'un texte unanimement salué. Notre rapport à la nature et à "toute" la matière vivante, la nécessité de sauvegarder la planète et pour cela de réviser en profondeur nos paradigmes existentiels, d'imaginer et d'inventer comme jamais, peuvent-ils constituer L'opportunité de bâtir un projet commun, de se projeter enfin dans l'avenir et de réaliser une œuvre universelle ?
Cette COP21 restera un événement important et significatif. Certes, elle manque d'une dimension contraignante, mais le texte a été unanimement contresigné par des Etats aux intérêts divergents voire antagoniques. C'est donc un progrès réel, surtout qu'il fait suite aux désillusions des précédents raouts et en premier lieu celui de 2009 à Copenhague. Un regret, toutefois : cet événement était trop limité à la problématique du changement climatique. Bien sûr, celui-ci constitue l'un des facteurs clés du « grand » problème écologique, mais il ne peut pas être disjoint des "chantiers" de l'énergie, de la biodiversité, de la déforestation, de l'agriculture industrielle, de l'assèchement des terres nourricières, des famines, des ravages sociaux, etc. Tous ces sujets forment un "tout", indivisible.
Ce que vous "savez" de la nature humaine et de sa capacité de résister ou de se résigner, d'être asservie ou de désobéir, vous donne-t-il l'espoir qu'elle réussira à imposer l'aggiornamento environnemental, comportemental, spirituel, au bulldozer marchand et consumériste ?
C'est lorsqu'on est au bord de l'abîme que l'on décèle les réflexes salvateurs. Nous n'en sommes pas encore là et peut-être ne les trouvera-t-on pas, mais nous pouvons espérer. D'abord parce qu'il existe une marge d'incertitude sur les prédictions, par nature hypothétiques, qui annoncent l'état de la planète d'ici un siècle. Le péril sera-t-il, dans les faits, plus massif ou plus supportable, interviendra-t-il plus vite ou plus lentement ? Nous en sommes à faire des paris. Ce qui peut laisser le temps d'accomplir la seule transformation véritable et durable qui soit : celle des mentalités. Combattre les sources d'énergie sale est bien, mais ce n'est pas suffisant. Seule une prise de conscience fondamentale sur ce nous sommes et voulons devenir peut permettre de changer de civilisation. Les textes du Pape François en sont une aussi inattendue que lumineuse illustration. Et d'ailleurs, c'est aussi parce que nous manquons de spiritualité, d'intériorité, de méditation, de réflexion et de pensée que nous échouons à révolutionner nos consciences.
Le succès de la COP21 a été concomitant au nouvel effondrement électoral du mouvement Europe-Ecologie- Les verts. Il a mis davantage en lumière l'inutilité politique des formations écologistes, et a démontré que la problématique écologique et la préoccupation environnementale constituent des enjeux désormais transpartisans. La fin de l'offre politicienne écologique est-elle venue ?
A la différence de leurs homologues allemands, les écologistes politiques français n'ont participé à aucune réalisation municipale concrète, ils se sont sans cesse divisé sur des querelles de personne, ils ne se sont pas nourri de la pensée écologique que leur apportaient René Dumont, Serge Moscovici, André Gorz, ils ont sottement écarté Nicolas Hulot - avec lequel Edgar Morin a publié en 2007, chez Tallandier, L'an 1 de l'ère écologique, NDLR. Je conçois qu'un mouvement écologique rénové puisse exercer un rôle éclairant et stimulant, mais n'est-ce pas surtout hors parti que se sont développées les vraies forces écologiques, la pratique agro-écologique, le mouvement Colibri de Pierre Rabbi, l'action politico-culturelle de Philippe Desbrosses,  les éco-quartiers, les Amap, ou encore les élans spontanés d'une jeunesse qui s'est portée sur le terrain contre le barrage de Sivens ou l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
Finalement, l'enjeu de la planète et la nécessité de bouleverser nos raisonnements peuvent nous exhorter à réconcilier deux formes de progrès aujourd'hui trop souvent antithétiques : le progrès technologique - qui n'a jamais atteint de tels niveaux - et le progrès humain - loin d'épouser une courbe comparable si l'on en juge « l'état » de l'humanité...
Le préambule à cette réconciliation est la régulation du progrès scientifique et technologique. Du nucléaire aux manipulations génétiques, l'absence de régulation ouvre la porte aux plus grands périls. Y compris sociaux et humains. Comment faire œuvrer de concert progrès technologique et progrès humain tant que les dynamiques de l'un et de l'autre seront à ce point dissociées ? En effet, la science, la technique, l'économie sont « dopées » par une croissance aussi impressionnante qu'incontrôlée, alors que l'éthique, la morale, l'humanité, sont dans un état de barbarie lui-même croissant. Et le pire désastre est à venir : les prodigieuses capacités de la science annoncent la prolongation de la vie humaine et la robotisation généralisée, programmant là à la fois une arriération des rapports humains et un état de barbarie inédit. Voilà le suprême défi pour l'humanité.
Le troisième millénaire s’affiche sous le signe de mutations profondes et accélérées qui ébranlent toutes les fondations de l’existence humaine. Elles entraînent dans le même tourbillon la planète tout entière et jettent les bases d’une nouvelle configuration mondiale dont les contours ne nous apparaissent pour le moment que de manière très floue, dans un enchevêtrement de traits, de tendances et de phénomènes devenus d’une complexité particulièrement déconcertante. Aucune sphère de la vie des individus et des sociétés n’y échappe, l’économie, la politique, la culture, le savoir, les relations entre les peuples et entre les Etats à l’échelle mondiale. Angoissante pour tout ce qu’elle semble receler ainsi de facteurs d’incertitude et d’instabilité, notre époque en devient aussi, pour les mêmes raisons, une époque particulièrement stimulante, dans la mesure précisément où la pensée, de plus en plus délestée du poids des conformismes sclérosants, des convenances factices et des certitudes toutes faites (et parfois mal faites), peut désormais s’envoler de toute la vigueur de ses ailes vers la conquête de nouvelles cimes et s’ouvrir des espaces de déploiement d’une immensité infinie qui lui permettent de reculer sans cesse les frontières du réel et du possible. 
Dans un tel contexte et au regard de l’ampleur des enjeux que comporte l’interprétation des événements et des phénomènes qui marquent l’originalité de l’époque et déterminent la spécificité de son contenu, il est naturel qu’elle soit pratiquement au centre d’une intense bataille des idées. C’est qu’au-delà de la détermination des tendances les plus décisives de la marche actuelle du monde et de la délimitation aussi rigoureuse que possible de leur portée historique, il s’agit, en dernière instance, de s’assurer les moyens théoriques mais aussi politiques d’une meilleure prise, voire d’une emprise effective, sur le présent et le futur de la planète ainsi que sur le destin des peuples et des Etats qui l’habitent. 
la réduction drastique de la marge de manœuvre des États-Nations sur la scène internationale, et même, sauf sur des questions finalement mineures, l’affaiblissement de leur souveraineté dans la gestion de leurs affaires domestiques, leur rôle semblant se limiter de plus en plus à la création, dans leurs espaces nationaux respectifs, de meilleures conditions politiques, institutionnelles et législatives de rentabilité des investissements privés nationaux et surtout étrangers. On ne peut cependant conclure de cet état de fait, comme n’hésitent pas à le faire certains, à une impuissance totale des Etats devant les "contraintes extérieures" voire à leur "disparition" programmée, puisqu’en réalité, non seulement la nécessité de leurs fonctions s’exprime autrement mais même celles-ci semblent plus importantes que jamais sous certains rapports, d’autant qu’ils continuent à être les seuls "sujets" souverains du droit international ; 
*la subordination du politique à l’économique - certains parlent carrément d’une , « éclipse du politique » - ce qui fait passer de fait la gestion du destin des pays des mains de représentants choisis par eux et comptables devant eux, à celles de techniciens et d’experts - les « éconocrates » - qui agissent souvent comme de véritables fondés de pouvoir des institutions financières internationales, plus soucieux de mériter la confiance de celles-ci que de répondre aux attentes de leurs peuples ; 
la transformation et la compression de l’espace et du temps, à cause notamment du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (numérique, fibre optique, satellites de communication, Internet. etc.), qui sont censées avoir transformé l’humanité en un "village planétaire"
l’occidentalisation croissante, sous le manteau de l’universalisme, de la civilisation mondiale, grâce à la formidable avance technologique que s’est arrogée l’Occident et qui lui assure des moyens de plus en plus puissants d’exportation de ses valeurs et modèles culturels ; _x* l’explosion des revendications identitaires de toutes sortes (ethniques, religieuses, culturelles, etc.). en guise de réaction contre la tendance à l’uniformisation culturelle et à la marginalisation croissante des autres civilisations ; 
 l’effondrement des paradigmes antérieurs par lesquels nous avions l’habitude de comprendre et d’expliquer le monde, le brouillage des repères culturels qui nous permettaient de nous identifier en nous situant par rapport aux autres, et la crise des valeurs morales qui déterminaient notre sens du bien et du mal du permis et du défendu, et qui orientaient nos actions individuelles et collectives
Comprise à la lumière de ces tendances et de ces phénomènes, la mondialisation apparaît ainsi, au-delà de ses aspects économiques, politiques et sociaux qui sont les plus évidents, comme le symptôme d’une "crise de civilisation" qui pose à tous les peuples, chacun en fonction de ses paramètres culturels spécifiques et de son degré d’implication dans le mouvement actuel du monde, des défis historiques cruciaux qui engagent leur avenir. Nous pouvons citer, parmi ces défis, ceux qui nous semblent les plus décisifs, à savoir : 
*le défi de l’orientation : il s’agit ici de savoir si l’humanité a encore les moyens d’infléchir le cours actuel de l’histoire dans la direction de ce que l’on pourrait appeler une mondialisation des peuples, par les peuples et pour les peuples, ce qui pose aussi la question de la possibilité pour ces derniers de recouvrer leur initiative historique et leur responsabilité aujourd’hui sérieusement remises en cause, à la faveur d’un processus dirigé par des forces qui semblent totalement échapper à leur contrôle ; 
Comprise à la lumière de ces tendances et de ces phénomènes, la mondialisation apparaît ainsi, au-delà de ses aspects économiques, politiques et sociaux qui sont les plus évidents, comme le symptôme d’une "crise de civilisation" qui pose à tous les peuples, chacun en fonction de ses paramètres culturels spécifiques et de son degré d’implication dans le mouvement actuel du monde, des défis historiques cruciaux qui engagent leur avenir. Nous pouvons citer, parmi ces défis, ceux qui nous semblent les plus décisifs, à savoir : 
*le défi de l’orientation : il s’agit ici de savoir si l’humanité a encore les moyens d’infléchir le cours actuel de l’histoire dans la direction de ce que l’on pourrait appeler une mondialisation des peuples, par les peuples et pour les peuples, ce qui pose aussi la question de la possibilité pour ces derniers de recouvrer leur initiative historique et leur responsabilité aujourd’hui sérieusement remises en cause, à la faveur d’un processus dirigé par des forces qui semblent totalement échapper à leur contrôle ; 
le défi philosophique qu’il faut entendre ici d’un double point de vue. Il se présente d’abord comme celui de l’intelligibilité, en mettant en question, notre capacité de créer les nouveaux outils intellectuels dont nous avons urgemment besoin pour pouvoir penser le monde dans sa complexité et dans l’accélération de son "temps". Mais c’est aussi un défi du sens dans la mesure où il s’agit de savoir s’il nous est encore possible d’assigner à notre existence et à nos actions une signification et une finalité qui pourraient constituer pour nous de nouvelles raisons de vivre, de croire et d’espérer, et qui auraient par conséquent à nos yeux une valeur et une légitimité suffisantes pour mériter que nous puissions, le cas échéant, mourir pour elles ; 
le défi Ethique : la question ici, étroitement liée à celle qui précède, consiste à savoir, dans l’atmosphère délétère de relativisme moral voire de nihilisme éthique dans laquelle nous baignons aujourd’hui, si nous sommes encore capables de placer notre existence et notre conduite de tous les jours sous l’autorité de valeurs aptes à préserver et à promouvoir en nous ce qui fonde notre dignité humaine et à installer durablement dans la paix et l’harmonie nos sociétés profondément déstabilisées aujourd’hui par la logique prévalante du "chacun pour soi" et celle du "tout va" ; c’est aussi celui de notre aptitude à garder le contrôle des prodigieuses avancées scientifiques contemporaines, notamment dans des domaines comme celui de l’ingénierie génétique, et, sans entraver leurs progrès, à les contenir dans des limites susceptibles de protéger l’homme contre les dérapages possibles d’une volonté de savoir qui a de plus en plus tendance à se prendre pour sa propre fin, au risque de donner parfois à la vie dans notre monde réputé "moderne" l’allure d’une véritable régression vers la barbarie ; 
le défi culturel : il s’agit, face à la tendance actuelle à l’uniformisation culturelle sur la base des valeurs occidentales ( parfois indûment estampillées du sceau de l’universalité), de savoir s’il est encore possible pour les autres régions du monde, et si oui dans quelle mesure, de sauvegarder et de promouvoir leurs propres valeurs de civilisation, dans le cadre d’un processus d’échanges mutuellement enrichissants fondés sur l’acceptation mutuelle et le respect réciproque, en d’autres termes, comment "assimiler sans être assimilé" (Senghor) ; 
le défi politique : au-delà de la question de la démocratie qui se pose aujourd’hui comme une exigence universelle s’imposant en tant que telle à tous les peuples, et qui demande à être consolidée et approfondie sans cesse dans le sens de la conquête de nouveaux droits toujours humainement plus riches, il s’agit de repenser la politique dans la perspective de la définition et de la mise en œuvre d’une pratique politique qui soit non seulement acceptable moralement mais aussi rigoureusement centrée sur le citoyen restauré dans son statut de "sujet" authentique de la politique ; 
*le défi économique : dans le cadre des principes d’organisation et de fonctionnement du système capitaliste qui impose ses règles à la mondialisation néolibérale en cours et qui, comme on le sait, est plus soucieux de profit maximal que de promotion des hommes, c’est le défi de la définition et de la mise en œuvre d’un système d’exploitation des ressources naturelles et de production sociale des richesses qui soit capable d’impulser une croissance conséquente, soutenue et durable délibérément inscrite dans la perspective de la satisfaction des besoins matériels, sociaux et culturels de plus en plus exigeants des populations, ce qui semble devoir impliquer la "refondation" de l’économie ; 
le défi social : lié à celui que nous venons de signaler, il consiste à savoir comment il serait possible d’abolir les mécanismes économiques, politiques, sociaux et culturels qui, en alimentant et en aggravant sans cesse la pauvreté et l’exclusion (celle des jeunes par le chômage, celle des femmes par les discriminations de toutes sortes fondées sur le genre, celle des peuples et des cultures différents par le racisme et les politiques de "purification ethnique"), empêchent aujourd’hui que l’humanité toute entière puisse tirer tout le profit possible de la richesse de son génie créateur, et que les opportunités sans précédent de promotion individuelle et collective dont elle dispose aujourd’hui puissent être équitablement réparties, pour assurer à tous et à chacun les conditions d’une existence sociale réellement digne de l’homme ; , 
*le défi scientifique : c’est d’abord celui de l’appropriation des avancées les plus récentes de la science, de la technique et de la technologie considérées comme les "nouveaux pouvoirs" dont la maîtrise sera de plus en plus décisive dans la détermination de la position tant des individus dans la société que celle des peuples et des Etats à l’échelle mondiale ; c’est ensuite celui de notre aptitude à tirer le meilleur parti possible, après inventaire critique, des connaissances, des techniques et des technologies endogènes par lesquelles, avant l’universalisation de la "modernité" occidentale, les autres peuples avaient réussi à assurer leur propre survie en se faisant à leur manière "maîtres et possesseurs" de la nature ; 
*le défi idéologique : devant la proclamation, trop insistante pour ne pas paraître suspecte, de la "fin des idéologies", il s’agit de savoir s’il est encore possible de proposer à l’humanité de nouveaux "mythes" ou de nouvelles "utopies" qui soient capables de formuler de façon fidèle et cohérente les aspirations fondamentales que leurs conditions concrètes d’existence suscitent chez les hommes, et de développer en eux la volonté, la détermination et l’énergie individuelle et collective nécessaires à la réalisation de leur idéal de société ; 
le défi écologique : il s’agit, devant les pollutions non seulement environnementales mais aussi morales inhérentes à la "civilisation", c’est-à-dire au mode actuel d’interaction et d’échanges entre l’homme et son environnement naturel, de savoir s’il est possible d’envisager une alternative raisonnable et réaliste, qui permette effectivement à notre espèce de continuer de profiter au maximum de la nature sans pour autant compromettre ni sa propre survie ni celle de la planète tout entière.


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