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Le monde s'est donné à un systeme unique,a refusé les utopies, les religions .En procedant ainsi il a accordé aux minorités ethniques le droit de la riposte et la ségrégation par sa propre democratie.Pour remédier à cela il a instoré des institutions soit disant de sécurité et devenu fanatique des armes pour departager les adversaires des guerres . Selon ma conviction certes la technologie nous a fait évoluer sans mûrir dans nos esprits.




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27/09/2016

Malheur divin ou satanique ?

Comment il est possible que dans un monde créé sur la base de l'intelligence et de la sagesse puissent prévaloir tant de souffrance, de douleur et de mal. Ils se demandent aussi pourquoi le monde devrait-il être soumis en permanence aux coups successifs de la difficulté et de l'infortune, et dans la voie d'une constante dégradation. Comment se fait-il qu'en de nombreuses parties du monde, des évènements terribles, des catastrophes imparables s'abattent sur les hommes, causant des dommages et des destructions incalculables.

Pourquoi une personne est-elle laide, une autre belle; une est en bonne santé, l'autre malade? Pourquoi tous les hommes ne sont-ils pas créés pareillement?
L'inégalité qui existe ne signifie-t- elle pas une absence de justice dans l'univers?
Dans l'ordre des choses, la justice dépend, diraient-ils, de l'absence de toute discrimination et de désastre; et la non- existence de tout défaut, maladie ou faiblesse marque la perfection et la justice.
Pour commencer, nous devons admettre que notre évaluation des affaires de l'univers ne nous permet pas de pénétrer les profondeurs extrêmes des phénomènes. Elle ne convient pas à l'analyse des fins et des objectifs des choses.
Mais si nous poussons notre réflexion, nous verrons que cette évaluation à sens unique que nous appelons injustice, vient du fait que nous prenons comme critère et référence, nos intérêts ou ceux des personnes proches de nous. Tout ce qui sécurise nos intérêts est bon et tout ce qui nous dérange est mauvais. En d'autres termes, notre jugement du bien et du mal est basé sur une perception à courte vue, sur un horizon de pensée limité, et un manque de connaissance précise concernant les normes de la création. L'existence est-elle la seule issue impliquée dans tout évènement, pouvons-nous introduire notre propre profit et perte dans les critères de bien et de mal?
Notre monde matériel ne cesse d'évoluer. Des évènements qui n'existent pas maintenant, surviendront demain. Certaines choses disparaîtront et d'autres les remplaceront.
Il est évident que ce qui aujourd'hui, est utile et bénéfique cessera d'exister demain. Mais pour nous, êtres humains, attachés que nous sommes à notre propre existence et aux choses de ce monde, l'acquisition de choses est bonne et leur perte est mauvaise.
Mais en dépit de l'homme et de ses attaches, la nature changeante du monde produit constamment des phénomènes changeants. Si le monde ne portait pas en lui la possibilité de changement, les phénomènes eux-mêmes n'existeraient pas, et ainsi donc, il ne serait plus question de bien et de mal.

Dans un tel monde, hypothétique et sans changement, il n'y aurait ni perte et déficience, ni croissance et développement, aucun contraste ou différence, aucune variété ou multiplicité, il n'y aurait pas non plus de critères, de limites ou de lois sociales, humaines ou morales. Le développement et le changement sont le résultat du mouvement et de la rotation des plantes et s'ils cessaient d'exister, il n'y aurait plus de terre, de lune, de soleil, de jour ou de mois, ou d'année.
Dans un monde ou il n'y aurait aucun malheur à supporter, ni aucun danger à redouter, la sécurité et la bienséance ne voudraient rien dire.
Dans un tel monde l'homme vivrait sans espoir et sans amour, et par conséquent, sans ambition. Et la froideur de ses rapports avec ses prochains, lui ôterait l'ardeur nécessaire pour chercher à s'élever au sommet de la perfection.
Une vue d'ensemble du monde nous permettra de comprendre que ce qui nous est nuisible ou qui pourrait l'être à l'avenir, est bénéfique pour les autres. Le monde en tant qu'entité globale, se dirige dans une direction inspirée et dictée par l'objectif total de l'existence et de son intérêt; même si des individus souffrent dans ce processus.

Si nous étions capables de plonger profondément dans l'océan du savoir et de tourner les pages de ces livres pleins de mystères avec le doigt de notre compréhension, le but final et le résultat de tous les évènements et phénomènes nous auraient été dévoilés. Quoiqu'il en soit, notre force de jugement n'est pas suffisamment large pour discuter de la chaîne des causes précédentes ayant produit le phénomène de nos jours, ni de la chaîne des effets prochains que les phénomènes à leur tour, auront à produire.

S'il nous avait été possible de regarder du haut de la grande plaine du monde, de façon à voir tous les aspects positifs et négatifs de chaque chose, s'il nous avait été possible d'évaluer les effets et résultats de chaque évènement dans l'histoire, le passé, le présent ou le futur de chaque chose survenant entre la prééternité et la post-éternité, et si tout cela nous avait été possible, nous aurions pu ainsi dire que les inconvénients produits par un évènement donné, déséquilibreraient ses avantages, et le désigner ainsi comme étant un mal.
Mais est-ce que l'homme possède une perception aussi étendue des chaînes de causalité horizontales et verticales? Peut-il se situer sur l'axe agité de ce monde?
Comme nous ne disposons pas d'une telle capacité et du fait que nous ne serons jamais capables de traverser une distance infinie, malgré notre grande enjambée, et puisque nous ne serons jamais capables d'enlever le voile de ces complexités et de prendre leur mesure, il est mieux de s'abstenir des jugements partiaux et irréfléchis qui sont dus à notre propre imprévoyance.

Nous reconnaîtrons que nous ne devons jamais faire de notre intérêt le seul critère pour juger ce vaste univers. Les observations relatives que nous aurons à établir dans le cadre des données limitées en notre possession et les conditions spécifiques auxquelles nous sommes soumis ne peuvent jamais fournir un bon critère pour un jugement définitif.

La nature peut souvent agir dans le sens de l'accomplissement d'un but particulier, qui est inimaginable par l'homme, étant donné ces circonstances conventionnelles. Pourquoi ne pas supposer que des évènements désagréables sont le résultat d'efforts destinés à préparer le terrain pour un nouveau phénomène qui sera l'instrument de la volonté de Dieu sur terre? Et il se pourrait même que les conditions et circonstances de l'époque nécessitent de tels processus.

Si tous les changements et soulèvements qui nous terrifient n'avaient pas eu lieu selon un plan et un objectif déterminés, et dans un but bien précis, s'ils ont été prolongés à travers les âges sans qu'ils puissent produire un résultat positif, il n'y aurait point de trace sur la terre de toute créature vivante y compris l'homme.

Pourquoi accusons-nous le monde d'injustice, d'être instable et sans ordre, simplement à cause de quelques évènements et phénomènes dans la nature? Formulerions-nous des objections à cause d'une poignée de caractères désagréables, minimes ou majeurs, oubliant par là les manifestations de précision et de sagesse, toutes les merveilles que nous observons dans ce monde et qui témoignent de la volonté et de l'intelligence d'un être suprême?
Malgré ses apparences la science de l'homme n'est encore que très limitée et même incapable d'avoir une connaissance totale des secrets de son propre corps, comment serait-elle donc à mesure de saisir les mystères de l'ordre régnant cet immense univers.

“Rien ne nous est plus proche que nous-mêmes. Il y a pourtant un grand nombre d'énigmes dans notre création qui nous restent obscures.”

L'homme voit l'évidence d'une planification attentive à travers l'univers, il doit admettre que le monde est un tout prémédité, un processus allant dans le sens de la perfection. Chaque phénomène dans ce monde est soumis à un critère spécifique, et si un phénomène apparaît comme inexplicable ou injustifiable, ceci revient à la courte vue de l'homme. L'homme doit réaliser que s'il ne peut, dans ses limites, posséder la capacité de comprendre les buts et objectifs de tous les phénomènes et comprendre leur contenu; cela ne veut pas dire que la création comporte un certain défaut.

Si nous observons plus profondément les malheurs et désastres qui tourmentent l'homme, nous verrons qu'en réalité ils sont plutôt des bienfaits et non des ennuis. Qu'un bienfait soit un bienfait ou qu'un désastre soit un désastre, ceci dépend de la réaction de l'homme; un même évènement pourrait être prouvé différemment par deux personnes distinctes.

Le malheur et la douleur sont comme une alerte éveillant l'homme et le poussant à porter remède à ses carences et erreurs; ils sont comme un système immunisé naturel ou un mécanisme de régulation inhérent dans l'homme.

Si la richesse mène à la complaisance envers soi-même et à la recherche du plaisir, c'est un malheur et un désastre en même temps et si la misère et la privation mènent au perfectionnement et au développement de l'âme humaine, c'est une bénédiction.

Il arrive souvent que quelqu'un supporte de plein gré les souffrances dans ce monde et ce à cause d'un but très élevé! Sans ces souffrances et ces dures épreuves, le but n'aurait pas été désirable pour lui. Un chemin docile sur lequel quelqu'un avance aveuglément et mécaniquement n'est pas un chemin conduisant au développement et à la croissance, et un effort humain dont l'élément de conscience a été retiré ne pourra jamais produire un changement fondamental de l'homme.

 Les plaisirs de la vie ne peuvent être appréciés que par ceux qui ont vécu les souffrances et les échecs dans leurs vies, et qui ont la capacité d'absorber les difficultés et de surmonter les obstacles parsemés sur le chemin de l'homme.

Le perfectionnement de la personne n'est pas une chose qui s'obtient sans peine; il exige le renoncement à maintes plaisirs et jouissances, et se détacher de biens ou d'attachements auxquels on tenait jusqu'alors est difficile, voire douloureux.

C’est sans doute Nietzsche qui inaugure cette conception irréligieuse quand il écrit que « notre propre ciel passe toujours par la volupté de notre propre enfer ».

Le Bien et le Mal

  Le bien:

Toute société repose sur des règles et les règles sociales sont éminemment relative au temps, comme au lieu. D'époque en époque, les moeurs, les mentalités changent. Ils existe aussi de grandes différences entre les coutumes qui régissent les conduites d'une culture à une autre. Si nous appelons opinion commune cette référence à la pensée collective, nous pouvons effectivement penser qu'il peut y avoir du préjugé dans l'appréciation commune du bien et du mal. Cependant, attention, il faut aussi se méfier du rejet des moeurs tels qu'ils existent. Ils sont tout de même une indication du bien et du mal. Ce n'est pas en prenant le contre-pied des moeurs de notre pays que nous aurons une quelconque assurance de faire ce qui est le mieux. C'est s'autoriser de faire n'importe quoi sous le seul prétexte que notre mentalité commune est incapable de nous guider dans l'appréciation du bien et du mal.

Avec la désacralisation de l'éthique depuis la modernité, qu'il n'est pas nécessaire de fonder la morale sur une autorité religieuse pour lui donner tout son sens. Le respect de la personne humaine suffit à la morale civique, à la morale implicite dans la déclaration des droits de l'homme.

Le bien ne peut être défini à partir d’un code moral qui standardise les pensées, les mœurs et les expériences. Est bien ce qui est parfaitement adapté à une situation, ce qui favorise le bien-être et qui aide à progresser, sans nuire à autrui.

La notion du bien se fonde sur la certitude que, si Dieu existe, partout dans le Cosmos, tout contribue à manifester la Perfection ultime, même quand les apparences semblent démontrer le contraire.  Autrement défini, le bien devient trop souvent le prétexte des gens bien pensants ou des bigots pour réduire la vie des autres, faisant leur malheur, mais dans l’intention apparente de contribuer à leur bonheur, des les garder dans le droit chemin, de leur assurer le salut.  Or chacun doit dégager sa notion de bien des résultats qu’il obtient de son expérience personnelle.  Car favorise le bien de l’un ce qui produit du mal chez l’autre.

 «J’ai désiré faire le bien mais je n’ai pas désiré faire de bruit, parce que j’ai senti que le bruit ne faisait pas de bien et que le bien ne faisait pas de bruit.»


 «Qui imite le mal dépasse toujours le modèle.  Qui imite le bien reste au-dessous de l’exemple.» 

Le bien ne peut se définit pas par le respect d’un code éthique, comme le font les religions, mais par la conformité aux Lois cosmiques.  Le bien réfère à ce qui est parfaitement adapté à une situation et qui fait évoluer.  Il correspond au rayonnement de la Lumière divine.  Il désigne l’acte par lequel un être se rapproche de la perfection de Dieu et par lequel il l’éveille en autrui.  Il consiste d’abord à faire la Volonté du Créateur dans ses plus petites manifestations.  Car il a été dit : «Que ma Volonté se fasse afin que la vôtre se fasse.»  Le bien se fonde sur la certitude que, partout dans le Cosmos, tout contribue à manifester l’Ultime perfection.  Chacun trouve dans cette notion une motivation à se dégager de son égoïsme et à œuvrer à la réalisation du Plan divin.  Il faut rechercher le bien pour lui-même, pour se lier à sa force intrinsèque, parce qu’il accélère l’évolution.  Mais, chez tout être, l’attachement à accomplir le bien, parce qu’il a peur de commettre une mauvaise action et de subir une punition, constitue un obstacle.  Il vaut mieux chercher à fusionner en soi, dans l’harmonie, les aspects négatif (magnétique) et positif (électrique) de la polarité afin de parvenir à les transcender.  Car comprend le bien celui qui ouvre son œil simple à la Réalité totale qui est, en elle-même, agréable et bonne.  Autrement dit, est bien ce qui comble l’aspiration légitime de s’accomplir en étroite union avec la Totalité.

Le bien devient trop souvent le prétexte de ceux qui font, consciemment ou inconsciemment, le malheur des autres, disant vouloir le bien d’autrui.  L.-C. de Saint-Martin a dit joliment: «J’ai désiré faire le bien mais je n’ai pas désiré faire de bruit, parce que j’ai senti que le bruit ne faisait pas de bien et que le bien ne faisait pas de bruit.»  Le bien honnête est celui que l’on recherche de façon légitime.  Le bien utile est celui que l’on cherche comme moyen d’en obtenir un autre.  L’un et l’autre s’exercent dans le silence, l’innocuité et la non-ingérence.  Comme on l’a dit, puisque chacun est libre, chacun doit vivre et laisser vivre.  Il doit s’occuper de ses propres affaires, bien le faire, et s’enlever le nez des affaires des autres.  F. Guicciardini a dit: «Qui imite le mal dépasse toujours le modèle.  Qui imite le bien reste au-dessous de l’exemple.»   À l’entendre, il faut croire que le mal limite, mais que le bien conduit à une expansion infinie.

Le désir de rester vertueux et de faire le bien implique lui-même une limite et il entretient dans l’inquiétude et la tension.  Mais quand, dans son agir, un être abandonne la notion du bien de façon prématurée, il s’expose à une conduite paradoxale et à la stagnation.  De nos jours, sans le clamer clairement, le comportement général propose que le mal soit l’équivalent du bien.  Les gens veulent faire oublier que le mal est une imperfection qui témoigne d’une faiblesse ou d’une incomplétude et que seul le bien est créatif.  Au lieu de rester une référence stable qui puisse guider les êtres humains, le bien prend une position défensive.  Alors, on se demande s’il a encore un droit de cité.  Il ne sert plus de point de référence privilégié pouvant mener en toute sûreté à l’accomplissement véritable.

Dans son ensemble, l’Humanité n'est pas encore prête à accepter toutes les nouvelles inventions et découvertes, on la laisse à la portée d’êtres régressifs sans âme, sous prétexte de respecter les normes de la démocratie, de la liberté et de l’égalité des chances. La science s’accorde tous les droits, la plaisanterie, la grossièreté, la vulgarité, la dérision et le blasphème dépassent toutes les limites, tandis que les arts, qui sombrent dans la décomposition, abrutissent la société. L’environnement, pollué, dépérit. Le sens des valeurs est en chute libre. L’éducation élimine les références religieuses et spirituelles, les remplaçant par une morale laïque ou athée. Par honteuse défense et par respect humain, on réprime la vérité, même au prix de la disgrâce spirituelle. On voit monter les rites sataniques. On écarte les membres du clergé, on musèle les sectes, mais on applaudit aux critiques des agnostiques et des athées. La conscience se fossilise dans ses hésitations à cause de sa langueur. En raison de la lâcheté humaine, l’initiative des Forces obscures devient apparente dans le grand comme dans le petit, bien qu’elle préfère ramper et s’insinuer furtivement, histoire de passer inaperçue.


Évidemment, chacun est libre de choisir sa propre destinée, même sa dissolution.  Mais quand on remet le gouvernement de l’opinion exclusivement entre les mains d’êtres sans âme, par leur contagion, elles deviennent nuisibles et on a le droit de penser à s’en protéger et se prémunir contre elles.  Celui qui ne sait pas se faire de bien n’en fera sûrement pas aux autres, et il deviendra facilement insensible à leur destin.  Le monde est régi par des sauvages civilisés, qui ne sont pas ceux qu’on croit, mais qui menacent la culture et l’espèce humaine.  Malheureusement, pour purifier la maison de ces ennemis infatigables, superbes dans leur vulgarité, leur médiocrité et leur bassesse, les êtres conscients ne peuvent qu’appliquer leurs plus précieuses énergies à réprimer leurs efforts dans un véritable gaspillage.  L’énergie qu’ils mettent à protéger l’Humanité ne peut servir à des fins plus utiles et évolutives.   À une époque où la science objective ne peut seule résoudre les maux de la planète, chacun gagne à retourner à la Source spirituelle unique pour sa direction intérieure.   Mais on a beau dire, n’empêche que le bien, comme le mal, ne résident jamais dans la réalité elle-même, mais dans l’usage de cette réalité.  Alors, c’est au niveau de l’usage qu’il faut porter son attention.

Le bien et le mal désignent les aspects extrêmes de la dualité ou de la polarité.  Ils se révèlent mutuellement, d’où ils restent compatibles et complémentaires.  Le Mal absolu ou le Mal cosmique n’existe pas plus que le Bien absolu ou le Bien cosmique.  Il n’existe que des opposés apparents qui, au bout d’un cycle complet, après une longue lutte inutile, doivent se résorber dans le Juste Milieu, à l’Âge de Diamant.  En réalité, tout devrait être situé dans la perspective du degré de savoir ou d’ignorance, plutôt que dans celle du bien et du mal.  Car, dans tout être, toute lutte cesse lorsqu’il parvient à mettre la Lumière dans toutes ses ténèbres.  Il entre dans l’impassibilité de la neutralité absolue.

Le Mal:

Dans l’ordre universel, le mal évoque tout ce qui contrarie ou retarde le Plan de l’Évolution cosmique tel qu’il a été conçu par Dieu. Au niveau personnel, chacun peut définir le mal comme ce qui dessert son évolution ou ce qui ralentit la vie, jusqu’à la supprimer. Il représente les pièges du Serpent ou du Dragon, qui trahit à chaque instant, mais qu’il faut vaincre en soi pour assurer sa propre métamorphose. Le mal surgit des œuvres de l’ego ou de la personnalité, la caricature de l’individualité, inventée par le mental, et il engendre les terDarkAngelreurs de la nuit. Le mal découle de l’ignorance qui mène à l’inconscience. Il représente une déviation ou un affaiblissement de la Lumière primordiale, occasionnée par la densité de la Matière, qui, en s’écartant de la Source unique, finit par devenir opaque. En fait, en s’incarnant, l’Esprit s’enveloppe d’obscurité, d’où la Lumière spirituelle réfléchie engendre des distorsions et des désordres dans la conscience humaine.

Si Dieu représente la Perfection et l’Omniprésence, comment peut-on lui faire l’injure de croire que le mal existe quelque part, qu’il existe un purgatoire ou un enfer conçus autrement que comme des états d’être personnels qu’un individu s’inflige par ignorance ou par inconscience.  Car, au-delà des apparences, la notion du mal n’existe qu’entre les oreilles de celui qui y croit et il ne peut avoir d’influence que sur ceux qui lui donnent force.  Au-delà de la querelle relative à la validité de ce livre, «La Cosmogonie d’Urantia» dit avec pertinence : «Dieu est amour, il doit donc être bon, et sa bonté est si grande et si réelle qu’elle ne peut contenir les choses mesquines et mensongères du mal.  Dieu est si positivement bon qu’il n’y a absolument pas de place en lui pour le mal négatif.  Le mal est la sanction de l’imperfection ou de la mauvaise adaptation à la vie.  Il constitue la preuve des inexactitudes de la pensée et de l’immaturité de la personnalité en évolution.  Le mal équivaut donc à une mesure de la manière imparfaite dont on interprète l’Univers.»

 «La possibilité de commettre des fautes ou des erreurs est inhérente à l’acquisition de la sagesse.  L’acquisition de la sagesse est le plan selon lequel l’homme progresse du partiel, du relatif et du temporel, de l’imparfait vers le parachevé, l’Éternel, le définitif et le perfectionné.  Le mal potentiel est inhérent au caractère nécessairement incomplet de Dieu en tant qu’expression de l’Infini et de l’Éternité, limités par l’espace-temps.  Il exprime une relativité dans les rapports du fini incomplet avec les niveaux du Suprême et du Sublime.  Et il finit par ajouter : En nous dotant du pouvoir de choisir entre la vérité et l’erreur, notre Père céleste a créé le potentiel négatif opposé à la voie positive de lumière et de vie.  Mais ces erreurs du mal n’ont pas d’existence réelle tant qu’aucune créature intelligente ne les appelle volontairement à l’existence par un mauvais choix de son  mode de vie.  Les maux sont ensuite élevés au rang de péché par le choix conscient et délibéré des créatures volontairement rebelles.  C’est pourquoi notre Père céleste permet au bien et au mal de suivre ensemble leur chemin jusqu’à la fin de la vie, de même que la Nature permet au blé et à l’ivraie de pousser côte à côte jusqu’à la moisson

Pour qui sait comprendre, le mal résulte d’un choix immature ou du faux-pas de l’irréfléchi, ce celui qui résiste à l’amour, qui méprise la bonté, qui rejette la beauté et qui trahit la vérité.  Ainsi, le mal résulte de la mauvaise adaptation d’un esprit qui manque de maturité et de l’influence désintégrante et déformante de l’ignorance.  Le mal résulte de l’inévitable obscurité qui accompagne rapidement l’enfoncement dans les Ténèbres ou le rejet de la Lumière.  D’où on peut le définir comme l’expression de ce qui est ténébreux, déformé et faux.  Dans «Le Tibétain», on peut lire : «Le mal, en soi, n’existe pas, pas plus que le bien, dans le sens de paire d’opposés.  Dans le temps et l’espace, seulement, il y a divers états de conscience qui produisent des effets extérieurs différents.»  Par conséquent, le mal ne peut être qu’apparent, relevant d’une fausse perception ou d’une interprétation inexacte de ce qui est perçu, ce qui mène à un choix erratique.  Le mal résulte du mélange inharmonieux des couleurs, des tons, ses sons et des formes de l’être.  Il représente le chemin mal éclairé par lequel un être avance en se heurtant à gauche et à droite par manque de lumière, c’est-à-dire par manque de connaissance ou de conscience.

 «Toute maladie est un moyen d’arriver à une nouvelle joie de santé, tout mal, toute douleur, une préparation de Nature à un bien et à une béatitude plus intenses, toute mort, une ouverture sur une immortalité plus vaste.»

Pour Aristippe de Cyrène le plaisir et la douleur sont les seuls motifs des actions de l'humain qui cherche le secret du bonheur. Ce qui nous empêche d'être heureux, ce sont nos désirs et nos inquiétudes. Nous courons après des biens illusoires, et surtout nous avons peur de maux imaginaires. Pour être heureux, il suffit de savoir, d'une part que nous sommes entièrement maîtres de nos destinées, également affranchis de la tyrannie des dieux et des lois de la nature, d'autre part que le seul plaisir pur et durable est ce plaisir tout négatif et bien facile à se procurer qui résulte de la complète tranquillité du corps et de l'esprit.

Le conformisme peut-être immoral, quand il entre dans une compromission avec la corruption ambiante. « Faire comme tout le monde », peut parfois impliquer être complice du mal.
Il n’y a pas de règle visible de ce que peut vouloir signifier « utilité de tous » et encore moins de consensus « social » autour de ce que l’homme doit faire ou ne pas faire.
Bien et mal sont des termes relatifs. Bien et mal n'ont pas d'existence au sens de l'existence des choses. Leur appréciation dépend du point de vue que nous adoptons. Parmi ce que nous tirons de la nature, aucune chose n’est absolument bonne, aucune chose n’est absolument mauvaise. Notre raison est limitée dans ses vues, comparée au champ d’influence immense de l’action. Comment donc pourrions-nous savoir ce qui est bien où mal? Suffit-il d'avoir de bonnes intentions?
En raison de la dichotomie du mental, régi par la dualité, nul ne peut aborder le bien sans penser au mal, son contraire. Pourtant, en principe, le bien comme le mal sont des illusions du mental. Rien n’est bon, rien n’est mal, tout est. On dégage la notion de bien ou de mal à partir des résultats que l’on obtient de l’usage que l’on fait des choses. Est bien ce qui fait évoluer; est mal ce qui fait régresser.


Le désir de rester vertueux et de faire le bien implique lui-même une limite et il entretient dans l’inquiétude et la tension. Mais quand, dans son agir, un être abandonne la notion du bien de façon prématurée, il s’expose à une conduite paradoxale et à la stagnation. De nos jours, sans le clamer clairement, le comportement général propose que le mal soit l’équivalent du bien. Les gens veulent faire oublier que le mal est une imperfection qui témoigne d’une faiblesse ou d’une incomplétude et que seul le bien est créatif. Au lieu de rester une référence stable qui puisse guider les êtres humains, le bien prend une position défensive. Alors, on se demande s’il a encore un droit de cité. Il ne sert plus de point de référence privilégié pouvant mener en toute sûreté à l’accomplissement véritable

24/09/2016

Religion ou philosophie

 L’’humanité doit accepter que la religion n’est qu’une illusion pour quitter son état d’infantilisme, et il rapproche ce phénomène de l’enfant qui doit résoudre son complexe d’Œdipe : « ces idées [religieuses], qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé — protégé en étant aimé — besoin auquel le père a satisfait ». Le cérémonial liturgique implique obligatoirement des « actes obsédants ». Il parle par conséquent de « cérémonial névrotique ». Selon lui, la « répression, le renoncement à certaines pulsions instinctives semble aussi être à la base de la formation de la religion »

http://philo.pourtous.free.fr/Articles/Marc/religion_et_philosophie.htm

 « Je révérais notre théologie, et prétendais, autant qu’un autre, à gagner le ciel ; mais ayant appris, comme chose très assurée, que le chemin n’en est pas moins ouvert aux plus ignorants qu’aux plus doctes, et que les vérités révélées, qui y conduisent,sont au-dessus de notre intelligence, je n’eusse osé les soumettre à la faiblesse de mes raisonnements, et je pensais que, pour entreprendre de les examiner, et y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel, et d’être plus qu’homme. » Descartes 

« Quand certaines Églises ajoutent que Dieu a pris une forme humaine, j’ai expressément averti que je ne sais pas ce qu’elles veulent dire ; et même, à dire vrai, affirmer cela ne me paraît pas moins absurde que de dire que le cercle a pris la forme d’un carré. » Spinoza
Il semble que la notion de révélation soit la première spécificité de la religion au sens habituel du terme – celui, précisément, de religion révélé –, dans la mesure où elle est la condition même de la possibilité d’une religion : aucune ne prétend en effet être une émanation de l’homme seul ; il faut donc qu’un principe extérieur à l’humanité soit en mesure de transmettre à celle-ci, quelle qu’en soit la manière, ce qui définira la religion en question. C’est cette transmission que nous appelons ici révélation.
Quant au principe lui-même, les cas du Bouddhisme et de quelques autres religions orientales suffisent à empêcher qu’on le définisse par le terme dedivinité : il y a des religions sans dieu. Mais ces cas ne sont pas vraiment gênants, car on peut se référer plus largement à la notion de sacré ; la religion est alors ce qui met l’homme en rapport avec le sacré. On peut ajouter que le sacré, bien qu’il se réfère, selon les religions, à des actions, des choses ou des entités fort diverses, doit être caractérisé dans chaque religion comme un absolu. Autrement dit, la sacralités de ce qui est sacré ne peut pas, à l’intérieur d’une religion donnée, être discutée, remise en cause ou a fortiori niée. Il y a plus encore : l’affirmation de la sacralité de ce qui est sacré se présente comme le fondement de la religion concernée, fondement qui, justement parce qu’il est indiscutable, n’a pas à être expliqué. Et dans tous les cas, les éventuelles “justifications” théologiques de ce fondement n’appartiennent pas en propre à la religion concernée. Nous voulons dire par là que premièrement, elles sont toujours développées a posteriori, et bien souvent dans un but plus didactique que véritablement religieux. Deuxièmement et en conséquence, elles sont au bout du compte facultatives, au sens où leur absence n’affaiblirait pas la religion en elle-même. Troisièmement, elles sont inutiles pour l’authentique croyant dont la foi n’a nul besoin d’explication. On peut même, d’un certain point de vue, les considérer comme nuisibles pour cette religion, dans la mesure où elles paraissent sous-entendre que le fondement de la religion en question ne va pas de soi. Autrement dit, les justifications rationnelles d’une religion prennent toujours le risque d’être perçues comme des aveux de faiblesse d’une doctrine qui aurait besoin de “se justifier”, au sens péjoratif de l’expression.

D’une manière générale, nul ne saurait nier que, souvent, les “vérités révélées” déconcertent, pour ne pas dire plus, la raison. Cela ne signifie pas pour autant que, pour cette seule raison, le philosophe doive les rejeter inconditionnellement. Un tel rejet ne se justifie que pour un certain courant philosophique, à savoir le rationalisme. Mais pour accepter positivement l’idée qu’une révélation, tout en étant manifestement irrationnelle, est source de vérité, il faudra franchir un pas qui, d’après nous, fait sortir de la philosophie. Le philosophe le plus “ouvert” aux religions ne peut donc qu’être réservé quant à l’idée même de révélation. Comment d’ailleurs choisirait-il entre les diverses religions ? Le philosophe ne peut, comme le font la quasi-totalité des croyants, adopter une religion uniquement en fonction de la société à laquelle il appartient par sa naissance et par son éducation

Concernant le contenu des dogmes eux-mêmes, le philosophe devra selon nous adopter la même prudence. On peut sans doute s’entendre pour considérer qu’en aucun cas le philosophe n’acceptera une “vérité” qui, sans être évidente en elle-même, ne s’accompagne d’aucune justification théorique. Or nous avons remarqué précédemment que le fondement d’une religion n’est précisément jamais justifié a priori ; quand il l’est a posteriori, ce ne peut donc être que par une personne qui l’a au préalable admis sans une telle justification. Comment le philosophe pourrait-il avaliser cette admission ? Comment pourrait-il ne pas dénoncer la justification a posteriori comme une imposture visant à légitimer philosophiquement une prise de position qui ne fut pas, au départ, philosophique ? Le fondement d’une philosophie ne saurait être lui-même extérieur à la philosophie. Or la religion, et elle s’en félicite, trouve son principe hors de l’humanité, donc hors de la philosophie.

De même, le philosophe ne pourra pas ne pas trouver contraire à la philosophie le refus de remettre en cause ou même seulement de “discuter” de certains dogmes, et singulièrement l’affirmation de la sacralité. On objectera peut-être que les philosophes eux-mêmes considèrent parfois certaines de leurs “vérités” comme indiscutables, sans qu’on leur refuse pour cela le titre de philosophe. La différence, de taille, est que le philosophe produira toujours, même lorsqu’il prétend énoncer une vérité indiscutable, une justification théorique l’accompagnant – ne serait-ce que l’affirmation de son évidencerationnelle, qui ne saurait sérieusement valoir pour les vérités révélées. De plus, il ne refusera jamais de répondre à une éventuelle objection, pour peu qu’elle soit philosophiquement intelligible, et ne menacera aucun contestataire des flammes de l’enfer.

On peut donc conclure que sans justification théorique, une proposition, quelle qu’elle soit, ne peut prétendre être philosophique. Autrement dit, le sens et la valeur de la philosophie ne résident pas moins dans l’argumentation des thèses que dans les thèses elles-mêmes, ce qui ne saurait raisonnablement se dire de quelque religion que ce soit.


Religion & philosophie
On a suffisamment remarqué que la religion1 et la philosophie peuvent être rapprochées, notamment par les questions communes qu’elles se posent : celles de la place de l’homme dans la nature, du bien et du mal, et d’autres encore. En outre, quelques théologiens ont “emprunté” aux philosophes certains de leurs concepts et de leurs formes de raisonnement, comme saint Thomas d’Aquin à Aristote. La réciproque existe également, par exemple dans le conceptphilosophique de Dieu. Enfin, nombre de philosophes se sont réclamés ou se réclament d’une religion particulière. Ce sont là quelques unes des raisons de se demander si une philosophie peut être religieuse ou si une religion peut être philosophique2. Bien que la réponse soit évidemment positive pour beaucoup, nous tenterons de montrer ici que la religion comme la philosophie ne peuvent que se perdre elles-mêmes, c’est-à-dire renoncer à ce qui les caractérise respectivement, dans une telle “union”.
Pour étayer notre réponse, il nous faudra pour commencer déterminer quelques unes des propriétés spécifiques de la religion d’une part, de la philosophie d’autre part.

1. Considérations générales sur la religion et la philosophie
Il semble que la notion de révélation soit la première spécificité de la religion au sens habituel du terme – celui, précisément, de religion révélée3 –, dans la mesure où elle est la condition même de la possibilité d’une religion : aucune ne prétend en effet être une émanation de l’homme seul ; il faut donc qu’un principe extérieur à l’humanité soit en mesure de transmettre à celle-ci, quelle qu’en soit la manière, ce qui définira la religion en question. C’est cette transmission que nous appelons ici révélation.
Quant au principe lui-même, les cas du Bouddhisme et de quelques autres religions orientales suffisent à empêcher qu’on le définisse par le terme dedivinité : il y a des religions sans dieu. Mais ces cas ne sont pas vraiment gênants, car on peut se référer plus largement à la notion de sacré ; la religion est alors ce qui met l’homme en rapport avec le sacré4. On peut ajouter que le sacré, bien qu’il se réfère, selon les religions, à des actions, des choses ou des entités fort diverses, doit être caractérisé dans chaque religion comme un absolu. Autrement dit, la sacralités de ce qui est sacré ne peut pas, à l’intérieur d’une religion donnée, être discutée, remise en cause ou a fortiori niée5. Il y a plus encore : l’affirmation de la sacralité de ce qui est sacré se présente comme le fondement de la religion concernée6, fondement qui, justement parce qu’il est indiscutable, n’a pas à être expliqué. Et dans tous les cas, les éventuelles “justifications” théologiques de ce fondement n’appartiennent pas en propre à la religion concernée. Nous voulons dire par là que premièrement, elles sont toujours développées a posteriori, et bien souvent dans un but plus didactique que véritablement religieux. Deuxièmement et en conséquence, elles sont au bout du compte facultatives, au sens où leur absence n’affaiblirait pas la religion en elle-même. Troisièmement, elles sont inutiles pour l’authentique croyant dont la foi n’a nul besoin d’explication. On peut même, d’un certain point de vue, les considérer comme nuisibles pour cette religion, dans la mesure où elles paraissent sous-entendre que le fondement de la religion en question ne va pas de soi. Autrement dit, les justifications rationnelles d’une religion prennent toujours le risque d’être perçues comme des aveux de faiblesse d’une doctrine qui aurait besoin de “se justifier”, au sens péjoratif de l’expression.

Que dire, dès lors, de la philosophie ? Pas plus que pour la religion, nous ne chercherons à la définir mais, ce qui sera ici suffisant, à la caractériser. Il semble que l’on peut dire de la philosophie l’exact opposé de ce qui vient d’être dit de la religion. Reprenons les points l’un après l’autre.
La seule idée de révélation rendra a priori le philosophe, au mieux, perplexe. Que pourrait en dire en effet la raison, pierre de touche de la recevabilité d’une argumentation philosophique ? Descartes ne s’y est pas trompé : « Je révérais notre théologie, et prétendais, autant qu’un autre, à gagner le ciel ; mais ayant appris, comme chose très assurée, que le chemin n’en est pas moins ouvert aux plus ignorants qu’aux plus doctes, et que les vérités révélées, qui y conduisent,sont au-dessus de notre intelligence, je n’eusse osé les soumettre à la faiblesse de mes raisonnements, et je pensais que, pour entreprendre de les examiner, et y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel, et d’être plus qu’homme. »7 Notons que ces lignes ne contredisent en rien les textes où le même Descartes traite de Dieu, des preuves de son existence, de sa nature, et ainsi de suite, par exemple dans les Méditations, puisqu’il ne s’agit pas alors de vérités révélées, mais bien de vérités rationnelles, donc accessibles au philosophe. Autrement dit, la religion et indirectement le passage ci-dessus traitent du “Dieu des religions”, alors que c’est du “Dieu des philosophes” que Descartes affirme certaines propriétés.
Prenant un exemple de vérité révélée, Spinoza va plus loin : « Quand certaines Églises ajoutent que Dieu a pris une forme humaine, j’ai expressément averti que je ne sais pas ce qu’elles veulent dire ; et même, à dire vrai, affirmer cela ne me paraît pas moins absurde que de dire que le cercle a pris la forme d’un carré. »8
D’une manière générale, nul ne saurait nier que, souvent, les “vérités révélées” déconcertent, pour ne pas dire plus, la raison. Cela ne signifie pas pour autant que, pour cette seule raison, le philosophe doive les rejeter inconditionnellement. Un tel rejet ne se justifie que pour un certain courant philosophique, à savoir le rationalisme9. Mais pour accepter positivement l’idée qu’une révélation, tout en étant manifestement irrationnelle, est source de vérité, il faudra franchir un pas qui, d’après nous, fait sortir de la philosophie. Le philosophe le plus “ouvert” aux religions ne peut donc qu’être réservé quant à l’idée même de révélation. Comment d’ailleurs choisirait-il entre les diverses religions ? Le philosophe ne peut, comme le font la quasi-totalité des croyants, adopter une religion uniquement en fonction de la société à laquelle il appartient par sa naissance et par son éducation10.
Concernant le contenu des dogmes eux-mêmes, le philosophe devra selon nous adopter la même prudence. On peut sans doute s’entendre pour considérer qu’en aucun cas le philosophe n’acceptera une “vérité” qui, sans être évidente en elle-même, ne s’accompagne d’aucune justification théorique. Or nous avons remarqué précédemment que le fondement d’une religion n’est précisément jamais justifié a priori ; quand il l’est a posteriori, ce ne peut donc être que par une personne qui l’a au préalable admis sans une telle justification. Comment le philosophe pourrait-il avaliser cette admission ? Comment pourrait-il ne pas dénoncer la justification a posteriori comme une imposture visant à légitimer philosophiquement une prise de position qui ne fut pas, au départ, philosophique ? Le fondement d’une philosophie ne saurait être lui-même extérieur à la philosophie. Or la religion, et elle s’en félicite, trouve son principe hors de l’humanité, donc hors de la philosophie. Nous reviendrons sur ce point dans la troisième partie de cette étude.
De même, le philosophe ne pourra pas ne pas trouver contraire à la philosophie le refus de remettre en cause ou même seulement de “discuter” de certains dogmes, et singulièrement l’affirmation de la sacralité. On objectera peut-être que les philosophes eux-mêmes considèrent parfois certaines de leurs “vérités” comme indiscutables, sans qu’on leur refuse pour cela le titre de philosophe. La différence, de taille, est que le philosophe produira toujours, même lorsqu’il prétend énoncer une vérité indiscutable, une justification théorique l’accompagnant – ne serait-ce que l’affirmation de son évidencerationnelle, qui ne saurait sérieusement valoir pour les vérités révélées. De plus, il ne refusera jamais de répondre à une éventuelle objection11, pour peu qu’elle soit philosophiquement intelligible, et ne menacera aucun contestataire des flammes de l’enfer.
On peut donc conclure que sans justification théorique, une proposition, quelle qu’elle soit, ne peut prétendre être philosophique. Autrement dit, le sens et la valeur de la philosophie ne résident pas moins dans l’argumentation des thèses que dans les thèses elles-mêmes, ce qui ne saurait raisonnablement se dire de quelque religion que ce soit.

Plus généralement, on pourrait dire que, si la religion est acceptée, elle rend la philosophie, pour une importante partie, inutile. En effet, certains dogmes religieux peuvent être considérés comme des réponses non philosophiques à des questions que se posent aussi les philosophes. Aussi le philosophe qui cherche à répondre, philosophiquement, à ces mêmes questions, entreprend-il une tâche ridicule du point de vue de la religion : sans pouvoir se targuer de la même “infaillibilité” que les religions, car la philosophie n’est qu’humaine – trop humaine ? –, il va chercher des réponses peu fiables – et, de fait, ses “collègues” philosophes ne se priveront pas de les critiquer – alors qu’il en existe déjà, et de beaucoup plus sûres, puisque d’essence bien souvent divine, et en tous cas non sujettes à la faillibilité humaine. Il ne restera donc au philosophe qu’à s’occuper de domaines que la religion a bien voulu négliger, car ne touchant manifestement pas, selon elle, au “salut” de l’homme : l’épistémologie ou l’esthétique par exemple. Mais pour les questions de métaphysique, d’éthique, d’anthropologie au sens large et parfois de politique, le débat doit être considéré, du point de vue religieux, comme clos. A l’opposé, on peut considérer que, du point de vue du philosophe, les questions philosophiques n’ont pour lui de raison d’être que s’il estime qu’elles n’ont pas encore reçu de réponse complète et définitive, émanant d’une religion quelconque, d’un autre philosophe ou de quelque autre source que ce soit. C’est seulement en acceptant cette “vacuité” que la philosophie a un sens.
Au fond, et on le verra mieux dans les deux cas précis étudiés ci-après, pour les philosophes religieux, la philosophie ne peut servir qu’à “redécouvrir” par la raison ce que la foi, par le biais de la révélation, a déjà enseigné. Cette conception de la philosophie comme « servante de la théologie », héritée du Moyen-Âge, ne peut pas disparaître si l’on admet, avant de philosopher, la vérité d’une religion. Et, même si l’on fait mine de se défendre d’adopter une telle conception, on voit mal comment il en serait autrement : « la vérité ne peut contredire la vérité », et si une vérité est admise au préalable – la vérité religieuse –, on sait déjà, avant même de commencer à philosopher, que la deuxième – la vérité philosophique – sera identique à la première ou au moins compatible avec elle ; il reste seulement à trouver des arguments philosophiques pour appuyer cette vérité unique, mais à deux visages. C’est par exemple la position de Jean-Paul II qui ouvre ainsi l’encyclique Fides et ratio : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité »12. Mais si la métaphore est juste, les deux ailes doivent nécessairement voler de manière concordante. Le chemin et le but étant bien sûr déterminés, dès l’envol, par l’aile de la foi, l’aile de la raison n’a plus qu’à s’y plier…
On pourrait ici nous faire l’objection suivante : certes, si la religion est admiseavant que la réflexion philosophique soit engagée, les jeux sont faits, et la philosophie n’en sera pas vraiment une, puisque sa fin, dans les deux sens du terme, est déjà connue, et surtout a été déterminée de l’extérieur de la philosophie. Mais qu’est-ce qui empêche un philosophe de découvrir au préalable, par la philosophie, des vérités dont il remarquera ensuite la conformité avec une religion donnée, adoptant ainsi cette dernière après, et non avant, la naissance de sa réflexion philosophique ? Nous ne pouvons ici qu’acquiescer sur le plan théorique. Si un tel itinéraire de pensée existait, c’est sans hésitation que nous lui accorderions le statut de philosophie. Deux remarques s’imposent toutefois :
      Premièrement, nous ne pouvons manquer de signaler l’extrême difficulté théorique d’un tel cheminement, ainsi que l’impossibilité pratique de vérifier l’ordre de ses étapes, telles qu’elles ont été décrites ci-dessus. Il est en effet indéniable que, dans la quasi-totalité des cas, la religion apparaît bien avant la philosophie dans l’existence d’un individu. Lorsque l’esprit de l’adolescent est suffisamment mûr pour philosopher, la religion y est souvent déjà présente depuis bien longtemps. Il est vrai que certains ont su se dégager de l’influence de l’éducation religieuse qu’ils ont reçue. Mais on voit bien que, sauf exception rarissime, c’est toujours la religion qui précède la philosophie dans l’histoire d’un homme. De qui peut-on donc affirmer qu’il a “redécouvert” dans la religion ce qu’il avait découvert dans la philosophie ?
      Deuxièmement, même si une philosophie parvenait à justifier philosophiquement tous les dogmes voire toutes les pratiques d’une religion donnée, cette philosophie n’aurait qu’une conformité extérieure et même fortuiteavec cette religion, puisque la seule justification véritable d’une religion est la révélation et que celle-ci est, par définition, hors de portée de toute justification philosophique. Autrement dit, une telle philosophie ne serait pas vraiment religieuse.

Il faut à présent confronter les analyses générales qui précèdent à des cas concrets qui pourraient sembler les invalider. En premier lieu, pour “tester” notre thèse selon laquelle il ne peut exister de philosophie religieuse, nous étudierons les textes de deux philosophes en accord avec une certaine religion (en l’occurrence le Christianisme). En second lieu, pour vérifier qu’une religion philosophique est impossible, notre attention se portera sur religion particulière dont certains affirment le caractère philosophique.
Une remarque méthodologique s’impose ici. Des exemples, aussi nombreux soient-ils, ne constituent pas des preuves en eux-mêmes. Ils ne jouent ici qu’un rôle d’illustration, en vue de rendre concrète notre thèse.

2. Les philosophies de Leibniz et de Kant sont-elles des philosophies religieuses ?
Les “philosophies religieuses” que nous allons maintenant étudier sont celles de Leibniz et de Kant13. Nous ne prétendons pas ici livrer une analyse intégrale de la philosophie de la religion de ces auteurs, mais seulement indiquer le ou les moments où, selon nous, ils ont “glissé” de l’intérieur à l’extérieur de la philosophie pour tenter de justifier leur croyance religieuse. Un passage du début du Discours de métaphysique de Leibniz suffira à montrer ce que nous considérons comme une “sortie injustifiée” hors de la philosophie, injustifiée en ceci seulement qu’elle prétend prendre place dans une argumentation philosophique, tant dans le problème étudié que dans la méthode adoptée. Cela signifie que, en dehors de son activité philosophique, un philosophe peut fort bien écrire des textes exposant des vérités révélées – ou de la littérature, ou quoi que ce soit… –, à condition qu’il n’affirme ni ne sous-entende qu’il s’agit là de textes philosophiques ; or c’est précisément le cas de l’ouvrage évoqué ici, comme l’indique clairement son titre.
Après avoir défini Dieu comme étant « un être absolument parfait » et expliqué ce qu’on doit entendre par le concept de perfection, Leibniz conclut « que Dieu possédant la sagesse suprême et infinie agit de la manière la plus parfaite » et « que plus on sera éclairé et informé des ouvrages de Dieu, plus on sera disposé à les trouver excellents et entièrement satisfaisants à tout ce qu’on aurait pu souhaiter. » Bien qu’il y ait dans ces lignes matière à de nombreuses objections, nous sommes ici dans la philosophie, précisément parce que ces objections peuvent être elles-mêmes de nature philosophique. Il nous semble en revanche que Leibniz sort de la philosophie lorsqu’il écrit :
« Ainsi, je suis fort éloigné du sentiment de ceux qui soutiennent qu’il n’y a point de règle de bonté et de perfection dans la nature des choses, ou dans les idées que Dieu en a et que les ouvrages de Dieu ne sont bons que pour cette raison formelle que Dieu les a faits. Car si cela était, Dieu sachant qu’il en est l’auteur n’avait que faire de les regarder par après et de les trouver bons, comme le témoigne la sainte écriture. »14
L’importance de l’argument de l’autorité biblique est ici prépondérante : Dieu a regardé ses ouvrages et les a trouvés bons, car c’est ce qu’affirment l’écriture, qualifiée de “sainte” sans justification. Or il nous semble que le philosophe n’est pas tenu de croire a priori en la divinité de l’origine des Écritures. Mais, une fois admise l’autorité de la Bible, le passage ci-dessus ne se prête à aucune objection philosophique : dès lors, il est en quelque sorte “infalsifiable” au sens que Popper donne à ce terme. Aucun débat philosophique n’est plus possible. Le raisonnement de Leibniz, entièrement explicité, est en effet le suivant :
1.    La Bible a été inspirée par Dieu.
2.    Or Dieu possède toutes les perfections morales, dont celle d’être vérace.
3.    Donc la Bible dit la vérité.
4.    Or la Bible dit que Dieu, après avoir créé certaines de ses œuvres, vit qu’elles étaient bonnes (par exemple : « Dieu dit : “Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en une seule masse et qu’apparaisse le continent” et il en fut ainsi. Dieu appela le continent “Terre” et la masse des eaux “mers”, et Dieu vit que cela était bon. »15)
5.    Donc Dieu a pu constater, ou plus précisément “vérifier”, la bonté de ses œuvres en les regardant.
6.    Donc les choses sont bonnes intrinsèquement, c’est-à-dire que la bonté est en elles-mêmes, et non pas extrinsèquement, c’est-à-dire seulement parce que Dieu en est l’auteur ou la cause.
On peut indifféremment inverser l’ordre des propositions 1. et 2. Il reste que la divinité des Écritures est un pilier de cette démonstration, et donc que sa remise en cause implique celle de tout le raisonnement. Or il semble clair que l’affirmation « La Bible a été inspirée par Dieu » n’est pas et ne peut pas être une thèse philosophique16, c’est-à-dire une affirmation susceptible d’être fondée etcontredite par des arguments philosophiques – si du moins on se réfère au sens que Leibniz donne ici au mot “Dieu”, c’est-à-dire au sens religieux.
Nous affirmons donc que le raisonnement de Leibniz extrait du Discours de métaphysique n’est pas, par son fondement, philosophique, et plus généralement que tout système de pensée fondé sur une quelconque révélation, sans que la raison vienne justifier ce fondement17, ne saurait être qualifié de philosophie.
Pour Spinoza en revanche, la question de la divinité des Écritures peut se poser en termes philosophiques, mais en donnant au concept de Dieu un sens qui n’est assurément pas le sens religieux. Lorsqu’il écrit en effet : « (…) la plupart, en vue de comprendre l’Écriture et d’en dégager le vrai sens, posent pour commencer la divine vérité de son texte intégral. (Alors que cette conclusion devrait découler d’un examen sévère de son contenu.) »18, il est clair que l’expression « divine vérité » est quasiment, sous sa plume, un pléonasme, et donc que c’est en examinant le texte biblique lui-même que l’on pourra conclure qu’il dit la vérité – ou non –, et donc qu’il exprime la “divine vérité”. Pour Leibniz, la Bible dit vrai parce que Dieu en est l’auteur19 ; c’est du moins ce qu’on peut supposer en l’absence de toute autre justification.

Dans La religion dans les limites de la simple raison, Kant va tenter de montrer que le Christianisme n’est pas seulement un « religion révélée », étant apparue à une époque et un endroit précis, mais également une « religion naturelle », c’est-à-dire, en droit, universelle et mondiale : chaque homme, quelles que soient son époque et sa société, et pour autant qu’il soit doué de raison, peut reconnaître que les principes moraux enseignés par le Christianisme sont identiques à ceux que sa raison pratique lui dicte. Pour démontrer cette identité, Kant va se livrer à une exégèse détaillée du Sermon sur la montagne20, texte qui contient d’après lui l’essentiel des préceptes moraux du Christianisme. Ce que Kant relève notamment dans le Sermon, c’est qu’il enjoint de suivre l’esprit de la loi plutôt que la lettre. On retrouve ici la distinction faite par Kant dans les Fondements de la métaphysique des mœurs entre “agir par devoir” et “agir conformément au devoir”. Ainsi du fameux passage :
« Vous avez entendu qu’il a été dit : “Tu ne commettras pas l’adultère”. Eh bien ! Moi je vous dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. »21
Kant comprend ces versets comme dénonçant l’hypocrisie d’une conduite extérieure ou plus précisément physique, seulement conforme extérieurement à l’interdiction de l’adultère22 – consistant à ne pas commettre l’acte de l’adultère –, et qui l’enfreint néanmoins si le désir est bien réel. Plus généralement, Kant rappelle que l’enseignement du Christ n’est pas supposé être différent de la loi hébraïque23, mais qu’il a interprété la Loi pour montrer sa conformité à la raison pratique : « Car au pied de la lettre, la loi autorisait exactement le contraire »24 de ce qu’autorise l’interprétation du Christ, dit Kant.
Remarquons que pour parvenir à la conviction que la Bible est en conformité avec la raison pratique, il a fallu tout d’abord que le Christ interprète la loi hébraïque, c’est-à-dire qu’il en révèle l’esprit en la débarrassant d’une lecture « au pied de la lettre », puis que Kant lui-même interprète les paroles du Christ pour montrer qu’elles ne sont qu’une autre formulation, sans doute plus accessible au plus grand nombre, de la loi morale prise en elle-même, énoncée en termes philosophiques.
C’est donc au prix de deux interprétations successives – celle de la loi hébraïque par le Christ puis celle des paroles du Christ par Kant – que l’on parvient à montrer la conformité de l’enseignement biblique avec la raison pratique. Et c’est bien là la première objection que l’on peut faire à Kant : une religion naturelle étant universelle, tout homme doit pouvoir accéder aux vérités qu’elle enseigne. S’il est déjà déconcertant que Dieu transmette aux hommes un texte énonçant une loi morale qu’il a, de toute façon, “inscrite” en tout homme possédant la raison pratique, il est encore plus étonnant que ce texte doive dans certains cas – l’Ancien Testament – “subir” tour à tour deux interprétations, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne vont pas de soi25, pour au bout du compte énoncer ce que tous savaient déjà avant ! Si l’on ajoute que le texte d’origine, supposé être inspiré par Dieu, enseigne selon Kant lui-même des choses opposées selon qu’on le prend à la lettre ou qu’on en dégage l’esprit, on comprend difficilement la valeur et la légitimité d’un tel texte. Kant ne cherche-t-il pas plutôt à “asseoir” la légitimité de sa philosophie morale sur l’autorité du Christianisme ? Sur le plan philosophique, qu’importe après tout que la “vraie” morale, que Kant prétend enseigner, soit ou non celle d’une religion institutionnelle, fût-ce la religion dominante ?
On peut également contester la prééminence et même l’exclusivité que Kant accorde au Christianisme en matière de morale : « Mais, suivant la religion morale (et parmi toutes les religions publiques qu’il y eut jamais, seule la religion chrétienne a ce caractère) … »26 Cette affirmation, écrite entre parenthèses, comme semblant si peu contestable qu’elle se passe de justification, a évidemment de quoi choquer par son intolérance. Mais elle déconcerte également celui qui a pris note du fait que le Christianisme n’enseigne en fin de compte rien de plus que le Judaïsme. Si le Christ, selon ses propres paroles, vient pour accomplir la Loi et les Prophètes27, c’est bien qu’il n’y a aucune différence de fond entre le Judaïsme et le Christianisme28. Si différence il y a, ce ne peut pas être une différence telle que le second serait une, ou plutôt “la” religion morale, ce que ne serait pas le premier ! Plus précisément, pour Kant, si le Judaïsme n’est pas une religion morale, c’est parce que, comme toutes les religions sauf le Christianisme, il comporte en lui la recherche des faveurs divines.
Cette délicate question tourne plus ou moins directement autour de ce qu’on appelle la morale de la rétribution, c’est-à-dire une morale qui affirme que les pieux et les justes sont récompensés et que les impies et les méchants sont punis. S’il est incontestable que la Bible hébraïque enseigne parfois une telle morale29, des livres comme ceux de Job30 et de l’Ecclésiaste la condamnent catégoriquement31 – ce dont Kant ne tient pas compte – en remarquant que le juste subit parfois des maux “naturels”, donc d’origine divine, et que la fortune sourit parfois au méchant. Chacun est alors invité à s’en remettre à la sagesse divine sans chercher à en percer les desseins.
Supposons toutefois que cette immoralité du Judaïsme soit fondée ce qui, on le voit, ne va pas de soi. Le plus paradoxal est encore que Kant, en critiquant indirectement la morale juive, condamne nécessairement la Bible hébraïque, où la morale de la rétribution apparaît effectivement. Or cette Bible hébraïque est, quelques différences infimes mises à part, reprise par le Christianisme à son propre compte sous le nom d’Ancien Testament. La recherche des faveurs est-elle présente ou absente des mêmes textes, selon qu’ils sont lus par les Juifs ou par les Chrétiens ? Il y a là encore, semble-t-il, une très forte partialité de Kant en faveur du Christianisme, partialité qu’une véritable neutralité philosophique a prioriaurait rendue, selon nous, impossible. Nous affirmons bien que cette neutralité devrait exister a priori, sans qu’elle doive nécessairement se prolonger a posteriori. Mais Kant ne justifie par aucun argument philosophique la suprématie du Christianisme dans le domaine morale. On pourrait d’ailleurs remarquer que le Nouveau Testament n’est pas non plus exempt de passages exprimant une morale de la rétribution32, ce que Kant, là encore, passe sous silence.
Dans la même logique, il écrit : « Il n’existe qu’une religion (vraie) »33. Mais comment le Christianisme pourrait-il être la vraie religion s’il est, selon les paroles de Jésus lui-même, l’accomplissement d’une fausse religion, en l’occurrence le Judaïsme ?
Enfin34, Kant nous semble également faire preuve d’une précipitation suspecte et fort peu philosophique lorsqu’il écrit : « J’admets premièrement la proposition suivante, comme principe n’ayant pas besoin de preuve : Tout ce que l’homme pense pouvoir faire, hormis la bonne conduite, pour se rendre agréable à Dieu est simplement illusion religieuse et faux culte de Dieu »35. Non pas que nous pensions, le lecteur l’aura compris, que bien d’autres comportements sont susceptibles de plaire à Dieu ; mais ce qui est ici affirmé presque explicitement, c’est que la bonne conduite d’un homme le rend agréable à Dieu. Voilà certes une proposition qui aurait selon nous besoin de preuve, si cela était possible. A vrai dire, il peut sembler au contraire que l’idée d’un Dieu sensible aux comportements humains a quelque chose d’irrespectueux, pour ne pas dire d’hérétique, à moins d’affirmer que Kant utilise un langage anthropomorphique, ce que rien ne laisse supposer.
Bien d’autres remarques seraient possibles pour confirmer, avec celles qui précèdent, que Kant fait reposer sa philosophie morale sur un fondement non philosophique, mais bel et bien religieux a priori, donc non argumenté rationnellement.

3. Le Catholicisme est-il une religion philosophique ?
Nous allons à présent examiner un cas de religion prétendant ou pouvant prétendre être philosophique. Si nous choisissons le Catholicisme, ce n’est pas essentiellement parce qu’il est la religion plus répandue dans nos sociétés dites latines, mais surtout parce qu’il s’est doté d’une théologie plus “systématique” que d’autres religions, à la fois par sa “fréquentation” de la philosophie occidentale et par sa structure très hiérarchisée, qui ont permis l’établissement d’une doctrine unifiée et officielle, à l’abri, normalement, de toute contestationinterne, ce qui facilite d’ailleurs grandement la recherche des références.
 Quelques remarques préalables s’imposent toutefois. Nous avons déjà évoqué l’idée selon laquelle le fondement d’une philosophie ne saurait être “extra-philosophique”. C’est pourquoi la manière dont débute une philosophie est capitale. Notons que ce “début” n’est pas forcément – et, dans les faits, n’est que rarement – premier chronologiquement dans l’œuvre d’un philosophe. Ainsi le doute radical de Descartes est bien le début “logique” de sa philosophie sans apparaître dans ses premières œuvres. Si certains philosophes semblent ne pas s’être particulièrement souciés de ce “début philosophique”, ce ne peut être que parce qu’ils considèrent qu’il n’y a pas à proprement parler à fonder la philosophie, ou encore parce que toute réflexion philosophique peut servir de fondement à la philosophie.
Il ne saurait en aller de même dans une religion, dont le point de départ, à savoir la révélation, est toujours extérieur à la raison et même, plus largement, à l’homme. En fait, nous avons déjà rencontré ce cas de figure dans les textes de Leibniz et de Kant étudiés plus haut, dont nous avons montré qu’ils s’appuyaient sur des données spécifiquement religieuses, donc impossibles à argumenter philosophiquement.
Nous allons retrouver cette extériorité dans le fondement du Catholicisme : « Au point de départ de toute réflexion que l’Église entreprend, il y a la conscience d’être dépositaire d’un message qui a son origine en Dieu même (…). La connaissance qu’elle propose à l’homme ne vient pas de sa propre spéculation, fût-ce la plus élevée, mais du fait d’avoir accueilli la parole de Dieu dans la foi »36. Les choses sont donc claires : les vérités religieuses, auxquelles les hommes peuvent accéder par la révélation, préexistent à toute réflexion humaine. En raison de leur origine divine, elles sont infaillibles. Avant même d’inaugurer la moindre réflexion, le philosophe catholique sait donc vers quoi doit tendre sa philosophie. Celle-ci n’a par conséquent qu’un rôle secondaire de confirmation a posteriori de “vérités” admises comme vraies avant toute intervention de la raison philosophique. C’est donc en toute logique que Jean-Paul II écrit : « L’Église, pour sa part, ne peut qu’apprécier les efforts de la raison pour atteindre des objectifs qui rendent l’existence personnelle toujours plus digne. Elle voit en effet dans la philosophie le moyen de connaître des vérités fondamentales concernant l’existence de l’homme. En même temps, elle considère la philosophie comme une aide indispensable pour approfondir l’intelligence de la foi et pour communiquer la vérité de l’Évangile à ceux qui ne la connaissent pas encore »37. Ce que nous considérons comme contraire à la philosophie dans ces lignes, ce n’est pas, encore une fois, la position elle-même, c’est-à-dire la fonction “évangélisatrice” assignée à la philosophie, mais le fait que cette position soit assignée de l’extérieur de la philosophie, c’est-à-dire sans argumentation rationnelle. Dans la même logique, le pape condamne au terme de son encyclique un certain nombre de courants de pensée : l’éclectisme, l’historicisme, le scientisme, le pragmatisme et le nihilisme38. Ces doctrines sont considérées à la fois comme des « erreurs » et des « dangers ». C’est dire qu’il aurait mieux valu qu’elles ne soient jamais formulées. On ne peut là encore que refuser de qualifier de philosophie une pensée qui se voudrait sans “adversaire”, même intellectuel ; nous estimons en effet que l’esprit critique et l’ouverture à la contestation doivent être des soucis constants du philosophe, conscient qu’il est, et ne peut qu’être, de ne pouvoir se prévaloir d’aucune infaillibilité. Autrement dit, le philosophe a philosophiquement intérêt à être contesté, afin de tester la validité de sa pensée. Au contraire, une doctrine d’origine “surhumaine” ne peut avoir, envers une contestation humaine, qu’une attitude de commisération, d’indifférence, de mépris ou de violence, mais pas véritablement, on ne le voit que trop, d’écoute véritable.
On peut donc admettre que les “vérités religieuses” précèdent toute réflexion philosophique. Mais, objectera-t-on peut-être, la foi dans ces vérités religieuses ne peut-elle pas, quant à elle, être justifiée philosophiquement… ? Pas davantage, comme le reconnaît, là encore, le dogme catholique : « Le motif de croire n’est pas que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle »39. Toutefois, pour que la foi soit conforme à la raison, Dieu a mis en œuvre des « preuves extérieures de sa Révélation » : « les miracles du Christ et des saints40, les prophéties, la propagation et la sainteté de l’Église, sa fécondité et sa stabilité ». La raison du philosophe trouvera-t-elle dans cette liste des preuves ou des « signes certains » de la révélation chrétienne ? Accordons au moins que cela n’est pas évident…

Conclusion
L’examen des “philosophies religieuses” de Leibniz et Kant a montré diverses “failles”, non pas en tant qu’erreurs à l’intérieur de leur philosophie, mais précisément en tant que manquements à l’exigence philosophique d’une argumentation rationnelle et donc de refus d’un quelconque argument d’autorité, fût-ce l’autorité de la Bible.
Nous pouvons donc conclure qu’une “philosophie religieuse” est soit extérieure à la religion, si la philosophie “précède” la religion41, soit extérieure à la philosophie si, comme nous croyons l’avoir montré pour les deux cas étudiés, la religion “précède” la philosophie. Cela ne signifie bien entendu pas que le philosophe soit par définition irréligieux. Dans la mesure où il est homme “avant” d’être philosophe, il pourra, comme Leibniz, Kant et beaucoup d’autres, croire en Dieu et même appartenir à une religion précise. Mais il devra renoncer à légitimer sa foi, ses croyances et ses pratiques par des arguments philosophiques, et donc renoncer à intégrer sa religion dans sa philosophie. Il pourra seulement – et même en tant que croyant, il devra probablement – expliquer pourquoi sa philosophie doit forcément laisser une place, hors d’elle (au-dessus, dira-t-il sûrement), à la religion. Il pourra par exemple, à la manière d’un Pascal, essayer de montrer que la raison et donc la philosophie peuvent reconnaître elles-mêmes leurs propres limites : « La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent ; elle n’est que faible, si elle ne va jusqu’à connaître cela. »42
Le philosophe peut donc être religieux, mais il ne peut pas l’être en tant que philosophe. La philosophie peut indiscutablement aller jusqu’au déisme ou authéisme, mais le pas qui mène du théisme à une religion révélée est précisément le pas qui fait sortir de la philosophie.
L’hypothèse d’une religion philosophique, du fait du nécessaire fondementnon humain de toute religion, est elle aussi, dès le départ, à exclure.
Quant à l’athéisme, il n’est jamais que le refus d’une certaine conception de Dieu ou des dieux. On peut le voir par exemple avec Spinoza qui, tout en démontrant l’existence de Dieu43, peut bien être considéré comme “athée”, au sens où il refuse l’existence d’un Dieu anthropomorphe44. On le voit encore avec Marcel Conche, qui s’attaque précisément à l’idée d’un Dieu à la fois moralement bon et tout-puissant : « Il est indubitable (…) que le supplice des enfants a été, et devait ne pas être, et que Dieu pouvait faire qu’il ne soit pas. Comme Dieu ne s’est pas manifesté dans des circonstances où, moralement, il l’aurait dû, s’il existait, il serait coupable. La notion d’un Dieu coupable et méchant apparaissant contradictoire, il faut conclure que Dieu n’est pas. »45Nous n’affirmons certes pas que cette argumentation, non plus que les démonstrations de l’existence de Dieu de Spinoza, sont à l’abri de toute contestation, y compris philosophique. Mais nous avons bien là des exemples de raisonnement parfaitement intelligible, que même le plus fervent des croyants peut suivre, pour peu qu’il soit doué de raison. L’athéisme peut donc être philosophique ou, ce qui revient au même, une philosophie peut être athée.

On se méprendrait en voyant dans cette étude une attaque contre les religions en général. Nous avons même indiqué à plusieurs reprises que l’attitude des religieux est très souvent en parfaite cohérence avec leurs convictions. Nous avons uniquement cherché à montrer en quoi religion et philosophie, sans forcément se combattre mutuellement, ne peuvent pas s’unir sans une dangereuse “confusion des genres”. Pour les deux partis, une telle union ne serait donc pas pour le meilleur mais seulement pour le pire…
Marc Anglaret


On a suffisamment remarqué que la religion et la philosophie peuvent être rapprochées, notamment par les questions communes qu’elles se posent : celles de la place de l’homme dans la nature, du bien et du mal, et d’autres encore. En outre, quelques théologiens ont “emprunté” aux philosophes certains de leurs concepts et de leurs formes de raisonnement, comme saint Thomas d’Aquin à Aristote. La réciproque existe également, par exemple dans le concept philosophique de Dieu. Enfin, nombre de philosophes se sont réclamés ou se réclament d’une religion particulière. Ce sont là quelques unes des raisons de se demander si une philosophie peut être religieuse ou si une religion peut être philosophique. Bien que la réponse soit évidemment positive pour beaucoup, nous tenterons de montrer ici que la religion comme la philosophie ne peuvent que se perdre elles-mêmes, c’est-à-dire renoncer à ce qui les caractérise respectivement, dans une telle “union”.

Il semble que la notion de révélation soit la première spécificité de la religion au sens habituel du terme , dans la mesure où elle est la condition même de la possibilité d’une religion : aucune ne prétend en effet être une émanation de l’homme seul ; il faut donc qu’un principe extérieur à l’humanité soit en mesure de transmettre à celle-ci, quelle qu’en soit la manière, ce qui définira la religion en question.
la religion est ce qui met l’homme en rapport avec le sacré.
les justifications rationnelles d’une religion prennent toujours le risque d’être perçues comme des aveux de faiblesse d’une doctrine qui aurait besoin de “se justifier”

Descartes : « Je révérais notre théologie, et prétendais, autant qu’un autre, à gagner le ciel ; mais ayant appris, comme chose très assurée, que le chemin n’en est pas moins ouvert aux plus ignorants qu’aux plus doctes, et que les vérités révélées, qui y conduisent, sont au-dessus de notre intelligence, je n’eusse osé les soumettre à la faiblesse de mes raisonnements, et je pensais que, pour entreprendre de les examiner, et y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel, et d’être plus qu’homme. »

 Spinoza  : « Quand certaines Églises ajoutent que Dieu a pris une forme humaine, j’ai expressément averti que je ne sais pas ce qu’elles veulent dire ; et même, à dire vrai, affirmer cela ne me paraît pas moins absurde que de dire que le cercle a pris la forme d’un carré. »

Après avoir défini Dieu comme étant « un être absolument parfait » et expliqué ce qu’on doit entendre par le concept de perfection, Leibniz conclut « que Dieu possédant la sagesse suprême et infinie agit de la manière la plus parfaite » et « que plus on sera éclairé et informé des ouvrages de Dieu, plus on sera disposé à les trouver excellents et entièrement satisfaisants à tout ce qu’on aurait pu souhaiter. » Bien qu’il y ait dans ces lignes matière à de nombreuses objections, nous sommes ici dans la philosophie, précisément parce que ces objections peuvent être elles-mêmes de nature philosophique. Il nous semble en revanche que Leibniz sort de la philosophie lorsqu’il écrit :
« Ainsi, je suis fort éloigné du sentiment de ceux qui soutiennent qu’il n’y a point de règle de bonté et de perfection dans la nature des choses, ou dans les idées que Dieu en a et que les ouvrages de Dieu ne sont bons que pour cette raison formelle que Dieu les a faits. Car si cela était, Dieu sachant qu’il en est l’auteur n’avait que faire de les regarder par après et de les trouver bons, comme le témoigne la sainte écriture. »


le fondement d’une religion n’est précisément jamais justifié a priori ; quand il l’est a posteriori, ce ne peut donc être que par une personne qui l’a au préalable admis sans une telle justification

la philosophie ne peut servir qu’à “redécouvrir” par la raison ce que la foi, par le biais de la révélation, a déjà enseigné.

« La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité »

C’est toujours la religion qui précède la philosophie dans l’histoire d’un homme. De qui peut-on donc affirmer qu’il a “redécouvert” dans la religion ce qu’il avait découvert dans la philosophie ?

L’importance de l’argument de l’autorité biblique est ici prépondérante : Dieu a regardé ses ouvrages et les a trouvés bons, car c’est ce qu’affirment l’écriture, qualifiée de “sainte” sans justification. Or il nous semble que le philosophe n’est pas tenu de croire a priori en la divinité de l’origine des Écritures. Mais, une fois admise l’autorité de la Bible, le passage ci-dessus ne se prête à aucune objection philosophique : dès lors, il est en quelque sorte “infalsifiable” au sens que Popper donne à ce terme. Aucun débat philosophique n’est plus possible. Le raisonnement de Leibniz, entièrement explicité, est en effet le suivant :
1.    La Bible a été inspirée par Dieu.
2.    Or Dieu possède toutes les perfections morales, dont celle d’être vérace.
3.    Donc la Bible dit la vérité.
4.    Or la Bible dit que Dieu, après avoir créé certaines de ses œuvres, vit qu’elles étaient bonnes (par exemple : « Dieu dit : “Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en une seule masse et qu’apparaisse le continent” et il en fut ainsi. Dieu appela le continent “Terre” et la masse des eaux “mers”, et Dieu vit que cela était bon. »)
5.    Donc Dieu a pu constater, ou plus précisément “vérifier”, la bonté de ses œuvres en les regardant.
6.    Donc les choses sont bonnes intrinsèquement, c’est-à-dire que la bonté est en elles-mêmes, et non pas extrinsèquement, c’est-à-dire seulement parce que Dieu en est l’auteur ou la cause.

On peut indifféremment inverser l’ordre des propositions 1. et 2. Il reste que la divinité des Écritures est un pilier de cette démonstration, et donc que sa remise en cause implique celle de tout le raisonnement. Or il semble clair que l’affirmation « La Bible a été inspirée par Dieu » n’est pas et ne peut pas être une thèse philosophique, c’est-à-dire une affirmation susceptible d’être fondée etcontredite par des arguments philosophiques – si du moins on se réfère au sens que Leibniz donne ici au mot “Dieu”, c’est-à-dire au sens religieux.
Nous affirmons donc que le raisonnement de Leibniz extrait du Discours de métaphysique n’est pas, par son fondement, philosophique, et plus généralement que tout système de pensée fondé sur une quelconque révélation, sans que la raison vienne justifier ce fondement, ne saurait être qualifié de philosophie.
Pour Spinoza en revanche, la question de la divinité des Écritures peut se poser en termes philosophiques, mais en donnant au concept de Dieu un sens qui n’est assurément pas le sens religieux. Lorsqu’il écrit en effet : « (…) la plupart, en vue de comprendre l’Écriture et d’en dégager le vrai sens, posent pour commencer la divine vérité de son texte intégral. (Alors que cette conclusion devrait découler d’un examen sévère de son contenu.) », il est clair que l’expression « divine vérité » est quasiment, sous sa plume, un pléonasme, et donc que c’est en examinant le texte biblique lui-même que l’on pourra conclure qu’il dit la vérité – ou non –, et donc qu’il exprime la “divine vérité”. Pour Leibniz, la Bible dit vrai parce que Dieu en est l’auteur ; c’est du moins ce qu’on peut supposer en l’absence de toute autre justification.
Dans La religion dans les limites de la simple raison, Kant va tenter de montrer que le Christianisme n’est pas seulement un « religion révélée », étant apparue à une époque et un endroit précis, mais également une « religion naturelle », c’est-à-dire, en droit, universelle et mondiale : chaque homme, quelles que soient son époque et sa société, et pour autant qu’il soit doué de raison, peut reconnaître que les principes moraux enseignés par le Christianisme sont identiques à ceux que sa raison pratique lui dicte. Pour démontrer cette identité, Kant va se livrer à une exégèse détaillée du Sermon sur la montagne, texte qui contient d’après lui l’essentiel des préceptes moraux du Christianisme. Ce que Kant relève notamment dans le Sermon, c’est qu’il enjoint de suivre l’esprit de la loi plutôt que la lettre. On retrouve ici la distinction faite par Kant dans les Fondements de la métaphysique des mœurs entre “agir par devoir” et “agir conformément au devoir”. Ainsi du fameux passage :
« Vous avez entendu qu’il a été dit : “Tu ne commettras pas l’adultère”. Eh bien ! Moi je vous dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. »

le Christianisme n’enseigne en fin de compte rien de plus que le Judaïsme. Si le Christ, selon ses propres paroles, vient pour accomplir la Loi et les Prophètes, c’est bien qu’il n’y a aucune différence de fond entre le Judaïsme et le Christianisme. Si différence il y a, ce ne peut pas être une différence telle que le second serait une, ou plutôt “la” religion morale, ce que ne serait pas le premier ! si le Judaïsme n’est pas une religion morale, c’est parce que, comme toutes les religions sauf le Christianisme, il comporte en lui la recherche des faveurs divines.

Cette délicate question tourne plus ou moins directement autour de ce qu’on appelle la morale de la rétribution, c’est-à-dire une morale qui affirme que les pieux et les justes sont récompensés et que les impies et les méchants sont punis. S’il est incontestable que la Bible hébraïque enseigne parfois une telle morale, des livres comme ceux de Job et de l’Ecclésiaste la condamnent catégoriquement en remarquant que le juste subit parfois des maux “naturels”, donc d’origine divine, et que la fortune sourit parfois au méchant. Chacun est alors invité à s’en remettre à la sagesse divine sans chercher à en percer les desseins.
Supposons toutefois que cette immoralité du Judaïsme soit fondée ce qui, on le voit, ne va pas de soi. Le plus paradoxal est encore que Kant, en critiquant indirectement la morale juive, condamne nécessairement la Bible hébraïque, où la morale de la rétribution apparaît effectivement. Or cette Bible hébraïque est, quelques différences infimes mises à part, reprise par le Christianisme à son propre compte sous le nom d’Ancien Testament. La recherche des faveurs est-elle présente ou absente des mêmes textes, selon qu’ils sont lus par les Juifs ou par les Chrétiens ? Il y a là encore, semble-t-il, une très forte partialité de Kant en faveur du Christianisme, partialité qu’une véritable neutralité philosophique a prioriaurait rendue, selon nous, impossible. Nous affirmons bien que cette neutralité devrait exister a priori, sans qu’elle doive nécessairement se prolonger a posteriori. Mais Kant ne justifie par aucun argument philosophique la suprématie du Christianisme dans le domaine morale. On pourrait d’ailleurs remarquer que le Nouveau Testament n’est pas non plus exempt de passages exprimant une morale de la rétribution, ce que Kant, là encore, passe sous silence.

Dans la même logique, il écrit : « Il n’existe qu’une religion (vraie) »33. Mais comment le Christianisme pourrait-il être la vraie religion s’il est, selon les paroles de Jésus lui-même, l’accomplissement d’une fausse religion, en l’occurrence le Judaïsme ?
Enfin, Kant nous semble également faire preuve d’une précipitation suspecte et fort peu philosophique lorsqu’il écrit : « J’admets premièrement la proposition suivante, comme principe n’ayant pas besoin de preuve : Tout ce que l’homme pense pouvoir faire, hormis la bonne conduite, pour se rendre agréable à Dieu est simplement illusion religieuse et faux culte de Dieu ». Non pas que nous pensions, le lecteur l’aura compris, que bien d’autres comportements sont susceptibles de plaire à Dieu ; mais ce qui est ici affirmé presque explicitement, c’est que la bonne conduite d’un homme le rend agréable à Dieu. Voilà certes une proposition qui aurait selon nous besoin de preuve, si cela était possible. A vrai dire, il peut sembler au contraire que l’idée d’un Dieu sensible aux comportements humains a quelque chose d’irrespectueux, pour ne pas dire d’hérétique, à moins d’affirmer que Kant utilise un langage anthropomorphique, ce que rien ne laisse supposer.

les vérités religieuses, auxquelles les hommes peuvent accéder par la révélation, préexistent à toute réflexion humaine. En raison de leur origine divine, elles sont infaillibles. Avant même d’inaugurer la moindre réflexion, le philosophe catholique sait donc vers quoi doit tendre sa philosophie. Celle-ci n’a par conséquent qu’un rôle secondaire de confirmation a posteriori de “vérités” admises comme vraies avant toute intervention de la raison philosophique. C’est donc en toute logique que Jean-Paul II écrit : « L’Église, pour sa part, ne peut qu’apprécier les efforts de la raison pour atteindre des objectifs qui rendent l’existence personnelle toujours plus digne. Elle voit en effet dans la philosophie le moyen de connaître des vérités fondamentales concernant l’existence de l’homme. En même temps, elle considère la philosophie comme une aide indispensable pour approfondir l’intelligence de la foi et pour communiquer la vérité de l’Évangile à ceux qui ne la connaissent pas encore ». Ce que nous considérons comme contraire à la philosophie dans ces lignes, ce n’est pas, encore une fois, la position elle-même, c’est-à-dire la fonction “évangélisatrice” assignée à la philosophie, mais le fait que cette position soit assignée de l’extérieur de la philosophie, c’est-à-dire sans argumentation rationnelle. Dans la même logique, le pape condamne au terme de son encyclique un certain nombre de courants de pensée : l’éclectisme, l’historicisme, le scientisme, le pragmatisme et le nihilisme. Ces doctrines sont considérées à la fois comme des « erreurs » et des « dangers ». C’est dire qu’il aurait mieux valu qu’elles ne soient jamais formulées. On ne peut là encore que refuser de qualifier de philosophie une pensée qui se voudrait sans “adversaire”, même intellectuel ; nous estimons en effet que l’esprit critique et l’ouverture à la contestation doivent être des soucis constants du philosophe, conscient qu’il est, et ne peut qu’être, de ne pouvoir se prévaloir d’aucune infaillibilité. Autrement dit, le philosophe a philosophiquement intérêt à être contesté, afin de tester la validité de sa pensée. Au contraire, une doctrine d’origine “surhumaine” ne peut avoir, envers une contestation humaine, qu’une attitude de commisération, d’indifférence, de mépris ou de violence, mais pas véritablement, on ne le voit que trop, d’écoute véritable.

On peut donc admettre que les “vérités religieuses” précèdent toute réflexion philosophique. Mais, objectera-t-on peut-être, la foi dans ces vérités religieuses ne peut-elle pas, quant à elle, être justifiée philosophiquement… ? Pas davantage, comme le reconnaît, là encore, le dogme catholique : « Le motif de croire n’est pas que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle ». Toutefois, pour que la foi soit conforme à la raison, Dieu a mis en œuvre des « preuves extérieures de sa Révélation » : « les miracles du Christ et des saints, les prophéties, la propagation et la sainteté de l’Église, sa fécondité et sa stabilité ». La raison du philosophe trouvera-t-elle dans cette liste des preuves ou des « signes certains » de la révélation chrétienne ? Accordons au moins que cela n’est pas évident…

Conclusion
L’examen des “philosophies religieuses” de Leibniz et Kant a montré diverses “failles”, non pas en tant qu’erreurs à l’intérieur de leur philosophie, mais précisément en tant que manquements à l’exigence philosophique d’une argumentation rationnelle et donc de refus d’un quelconque argument d’autorité, fût-ce l’autorité de la Bible.
Nous pouvons donc conclure qu’une “philosophie religieuse” est soit extérieure à la religion, si la philosophie “précède” la religion, soit extérieure à la philosophie si, comme nous croyons l’avoir montré pour les deux cas étudiés, la religion “précède” la philosophie. Cela ne signifie bien entendu pas que le philosophe soit par définition irréligieux. Dans la mesure où il est homme “avant” d’être philosophe, il pourra, comme Leibniz, Kant et beaucoup d’autres, croire en Dieu et même appartenir à une religion précise. Mais il devra renoncer à légitimer sa foi, ses croyances et ses pratiques par des arguments philosophiques, et donc renoncer à intégrer sa religion dans sa philosophie. Il pourra seulement – et même en tant que croyant, il devra probablement – expliquer pourquoi sa philosophie doit forcément laisser une place, hors d’elle (au-dessus, dira-t-il sûrement), à la religion. Il pourra par exemple, à la manière d’un Pascal, essayer de montrer que la raison et donc la philosophie peuvent reconnaître elles-mêmes leurs propres limites : « La dernière démarche de la raison est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent ; elle n’est que faible, si elle ne va jusqu’à connaître cela. »
Le philosophe peut donc être religieux, mais il ne peut pas l’être en tant que philosophe. La philosophie peut indiscutablement aller jusqu’au déisme ou au théisme, mais le pas qui mène du théisme à une religion révélée est précisément le pas qui fait sortir de la philosophie.
L’hypothèse d’une religion philosophique, du fait du nécessaire fondement non humain de toute religion, est elle aussi, dès le départ, à exclure.
Quant à l’athéisme, il n’est jamais que le refus d’une certaine conception de Dieu ou des dieux. On peut le voir par exemple avec Spinoza qui, tout en démontrant l’existence de Dieu, peut bien être considéré comme “athée”, au sens où il refuse l’existence d’un Dieu anthropomorphe. On le voit encore avec Marcel Conche, qui s’attaque précisément à l’idée d’un Dieu à la fois moralement bon et tout-puissant : « Il est indubitable (…) que le supplice des enfants a été, et devait ne pas être, et que Dieu pouvait faire qu’il ne soit pas. Comme Dieu ne s’est pas manifesté dans des circonstances où, moralement, il l’aurait dû, s’il existait, il serait coupable. La notion d’un Dieu coupable et méchant apparaissant contradictoire, il faut conclure que Dieu n’est pas. »Nous n’affirmons certes pas que cette argumentation, non plus que les démonstrations de l’existence de Dieu de Spinoza, sont à l’abri de toute contestation, y compris philosophique. Mais nous avons bien là des exemples de raisonnement parfaitement intelligible, que même le plus fervent des croyants peut suivre, pour peu qu’il soit doué de raison. L’athéisme peut donc être philosophique ou, ce qui revient au même, une philosophie peut être athée.

On se méprendrait en voyant dans cette étude une attaque contre les religions en général. Nous avons même indiqué à plusieurs reprises que l’attitude des religieux est très souvent en parfaite cohérence avec leurs convictions. Nous avons uniquement cherché à montrer en quoi religion et philosophie, sans forcément se combattre mutuellement, ne peuvent pas s’unir sans une dangereuse “confusion des genres”. Pour les deux partis, une telle union ne serait donc pas pour le meilleur mais seulement pour le pire…

Marc Anglaret